Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée

le vrai sens de l’Écriture pour ne pas vous laisser ouvrir l’oreille à ceux qui profèrent de tels blasphèmes et qui osent parler contre eux-mêmes. Ils disent qu’il ne s’agit pas ici d’hommes, mais d’anges, et que ce sont les anges qu’on appelle fils de Dieu. D’abord c’est à eux à montrer où les anges sont appelés fils de Dieu, mais jamais ils n’ont pu le trouver ; les hommes ont été appelés fils de Dieu ; mais les anges, jamais. L’Écriture dit en parlant d’eux : Il a envoyé ses anges au milieu des vents, et ses ministres au milieu des feux ardents. (Ps. 103,4) Mais elle dit des hommes J’ai dit : vous êtes des dieux (Ps. 81,6) ; et de plus : J’ai engendré des fils et je les ai élevés (Is. 1,2) ; et aussi : Israël, mon fils aîné (Ex. 4,22) ; mais jamais l’ange n’est appelé fils, ni fils de Dieu. Du reste, voici ce que l’on ose encore ajouter. Oui, c’étaient des anges : mais à cause de ces unions indignes, ils sont déchus de leur rang. Quoi donc ? Ils sont tombés, et voilà la cause de leur chute ? Mais l’Écriture nous enseigne au contraire qu’avant la création du premier homme, le diable était tombé de son rang avec ceux qui lui ressemblaient par leur orgueil ; comme le dit un sage : Par la jalousie du diable, la mort est entrée dans le monde. (Sag. 2,24:) Eh bien ! dites-moi : si sa chute n’avait pas précédé la naissance de l’homme, comment, en gardant sa dignité, aurait-il pu être jaloux de l’homme ? Comment la raison peut-elle admettre, qu’un ange immatériel et honoré d’une telle supériorité, fût jaloux de l’homme enchaîné par la chair ? Mais, après avoir été précipité de la gloire céleste dans le plus grand opprobre, lui, qui était immatériel, voyant l’homme sortir des mains du Créateur et en recevoir, malgré sa nature corporelle, tant de marques d’honneur, fut dévoré de jalousie, et, par cette perfidie pour laquelle il prit la forme d’un serpent, il rendit l’homme sujet à la mort. Telle est sa méchanceté ; il ne peut supporter tranquillement le bonheur des autres. Il y avait donc longtemps que le diable et toute sa phalange avaient été déchus de leur gloire et couverts d’ignominie ; cela est clair pour tout le monde. D’ailleurs, quelle extravagance n’y a-t-il pas à dire que les anges aient été ainsi déchus pour leur liaison avec les femmes, et que cette nature incorporelle ait pu s’unir avec des corps ? Ne savez-vous pas ce que dit le Christ à propos de la nature des anges ? Dans la résurrection, il n’y a ni mariages, ni union : on est comme les anges de Dieu. (Mt. 22,30 ; Mc. 12,25 ; Lc. 20,35) Une nature immatérielle ne peut jamais avoir de pareils désirs. Mais, en dehors même de cela, il faut réfléchir que c’est de toute manière une chose trop absurde pour être admise. En effet, les saints, même inspirés par le Saint-Esprit, n’ont pu voir les anges (Dan. 10,7, 11) : car l’homme des désirs, Daniel, n’a vu que l’apparence d’un ange et non sa substance (comment voir une substance immatérielle ?) ; mais devant cette apparition il fut sur le point de perdre toutes ses forces et même la vie. Si donc un pareil homme a presque expiré à cette vue, quelle folie n’y aurait-il pas à admettre ce blasphème insensé qu’une nature incorporelle et spirituelle ait pu s’unir à des corps humains !
3. Mais il ne faut pas consacrer trop de temps à cette discussion ; les réflexions que je viens d’offrir à votre charité suffisent sans doute pour vous prouver qu’une pareille opinion ne se peut soutenir. Je vais donc vous montrer quelle est la vérité à ce sujet, en relisant les paroles de l’Écriture sainte : Et il arriva, quand les hommes eurent commencé à se multiplier sur la terre, qu’il leur naquit des filles. Les fils de Dieu, voyant que les filles des hommes étaient belles, en prirent pour épouses parmi toutes celles qu’ils choisirent. Nous vous avons déjà prouvé que l’Écriture a l’habitude de donner à des hommes le nom de fils de Dieu. Ceux qu’elle appelle ainsi descendent de Seth et de son fils Enos, celui de qui il est dit qu’ il se confia dans l’invocation du nom de Dieu. (Gen. 4,26) Ces descendants sont appelés fils de Dieu dans les saintes Écritures, parce qu’ils avaient imité jusque-là les vertus de leurs ancêtres ; le nom de fils des hommes fut donné à ceux qui étaient nés avant Seth, c’est-à-dire aux fils de Caïn, et aussi à leurs descendants. Il arriva, quand les hommes se furent multipliés sur la terre, qu’il leur naquit des filles. Dès que les fils de Dieu (les descendants de Seth et d’Enos) eurent vu les filles des hommes (celles dont on indiquait tout à l’heure la naissance), ils les trouvèrent belles. Voyez comme ce seul mot montre l’impureté ! Ils ne songeaient pas seulement à avoir des enfants, mais aux plaisirs des sens. Dès qu’ils virent que les filles des hommes étaient belles, les désirs excités par cette beauté les entraînèrent à leur perte ; l’aspect de la beauté fut pour eux l’occasion