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vous le savez, où nous en étions restés hier aujourd’hui nous allons apprendre comment le Dieu de miséricorde ne s’est point contenté d’une patience de cinq cents ans, mais qu’il a encore ajouté un autre délai en faveur de ceux qui avaient tant péché. Noé était âgé de cinq cents ans. Profitons de ce que l’Écriture sainte a compté les années du juste, afin d’apprendre combien de temps il a vécu pour avertir les hommes ; comment ceux-ci ont suivi la mauvaise voie et s’y sont perdus, tandis que le juste marchait loin des autres dans le sentier de la vertu. Aussi s’est-il concilié la bienveillance de Dieu, et tandis que les autres étaient punis, il échappa seul avec sa famille. Cela nous montre que, si nous sommes modérés et actifs, non seulement la société des méchants ne peut nous nuire, mais qu’elle peut même nous attacher davantage à la vertu. Car Dieu, en permettant qu’il y eût des bons et des méchants, a voulu dans sa clémence, faire obstacle à la méchanceté et faire briller la vertu ; il a voulu aussi que les hommes faibles profitassent, s’ils y consentaient, de la société des hommes énergiques. Songez, je vous prie, à toute la sagesse de ce juste, qui seul, au milieu d’une multitude immense entraînée au mal, suivait un sentier opposé et préférait la vertu au vice. Il accomplissait déjà ce que le bienheureux Moïse devait dire plus tard : Tu ne suivras pas la foule dans le mal. (Ex. 23,2) Et ce qui est encore plus admirable, c’est que la plupart des hommes, tous les hommes même l’excitaient au vice et aux mauvaises actions, et personne ne lui donnait l’exemple de la vertu ; mais il y était poussé avec une si grande puissance qu’il se maintenait dans le sentier opposé à la foule : il n’était ni intimidé ni épouvanté en voyant le concours des méchants, et il ne ressemblait nullement aux lâches, qui, observant l’avis de la majorité, s’en font un prétexte et une occasion pour déguiser leur faiblesse, en disant : Pourquoi suivre devant tout ce monde une résolution qui paraîtra étrange ? pourquoi me faire l’adversaire d’une telle multitude et me mettre en guerre avec tout un peuple ? Faut-il que je sois plus juste qu’eux tous ? A quoi me serviraient tant d’inimitiés ? quel avantage retirerai-je de tant de haine ? Il n’avait dans l’esprit aucune de ces pensées inutiles ; mais il accomplissait d’avance les paroles du prophète : Un seul homme faisant la volonté de Dieu est préférable à une foule de prévaricateurs. (Sir. 16,3) Si je suis lié, disait-il, avec cette multitude emportée vers le mal, et si elle m’y entraîne, pourra-t-elle me sauver du châtiment ? Il savait, en effet, il savait bien que chacun est responsable lui-même de son salut, et ne peut pas être puni pour les fautes des autres, ni profiter de leurs mérites. Comme une étincelle qui serait plongée dans la mer, et qui, loin de s’éteindre, acquerrait chaque jour une plus brillante clarté, ainsi Noé, resté juste au milieu de l’iniquité universelle, instruisait tous les hommes par ses exemples.
Voyez comme le Seigneur nous a donné une nature maîtresse d’elle-même ! Comment se faisait-il, dites-moi, que les uns fussent portés à la perversité et courussent au-devant de leur punition, tandis que cet homme, préférant la vertu et fuyant le commerce des méchants, évita cette punition ? N’est-il pas évident que chacun est libre de choisir la vertu ? S’il n’en était pas ainsi, et si notre nature n’avait point ce pouvoir, les uns ne mériteraient pas le châtiment du vice, ni les autres la récompense de la vertu. Mais puisque tout est laissé à notre volonté, après la grâce d’en haut, les méchants doivent attendre des punitions et les bons des récompenses.
Noé était âgé de cinq cents ans, et il engendra trois fils : Sem, Cham et Japhet. Voyez la précision de l’Écriture sainte ! Après avoir compté les années du patriarche, et montré l’extrême patience du Seigneur, elle veut encore nous montrer jusqu’où va sa clémence et jusqu’où était allée la perversité des hommes.
2. Mais écoutons les paroles mêmes de Moïse ; comme il est inspiré par l’Esprit-Saint, il ne peut enseigner que la vérité : Quand les hommes eurent commencé à se multiplier sur la terre, il leur naquit des filles. – S’il ajoute : il leur naquit des filles, c’est pour insister sur l’idée qu’ils étaient nombreux. En effet, quand il y a tant de racines il faut qu’il en sorte bien des rameaux. Les fils de Dieu voyant que les filles des hommes étaient belles, en prirent pour épouses parmi toutes celles qu’ils choisirent. Étudions chaque parole avec attention pour ne rien perdre de leur sens profond. Il faut, en effet, discuter avec soin ce passage, pour détruire les fables que l’on a faites avec irréflexion sur ce sujet. Voici d’abord la plus audacieuse, dont nous allons vous montrer l’absurdité, en présentant à votre recueillement