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la malédiction, à cause de la désobéissance du premier homme. Faites ici une remarque, mon bien-aimé ; ce petit enfant grandit peu à peu, et il est, pour tous ceux qui le voient, une occasion de s’instruire, car bientôt chacun de ceux qui s’informaient du nom de l’enfant a dû connaître, en entendant l’explication de ce nom, la destruction universelle qui devait arriver. Supposez qu’un homme inspiré l’eût seulement annoncée par avance, la prédiction eût été aussitôt oubliée, tous n’auraient pas connu le terrible châtiment ; mais voici que celui que tous les yeux peuvent voir annonce en temps opportun, et bien avant le temps, la colère du Dieu indigné. Et maintenant pour que nous sachions exactement combien de temps, rien que par le nom qu’il portait, le fils qui portait ce nom a continué d’avertir tous les hommes de renoncer au péché et d’embrasser la vertu, afin de pouvoir se soustraire à la colère, l’Écriture dit : Noé, ayant cinq cents ans, engendra trois fils. (Gen. 5,32) Vous voyez encore une fois un autre juste avec une épouse et des fils ; qui s’est rendu, en opérant le bien, tout à fait agréable à Dieu ; qui, faisant le contraire de tous les autres, a choisi le chemin de la vertu ; et, ni le mariage, ni l’éducation des enfants n’ont été pour lui un obstacle. Et maintenant ce qu’il faut admirer, c’est l’ineffable patience de Dieu et la corruption prodigieuse des hommes de ce temps. Voilà, en effet, pendant cinq cents ans, un juste qui crie, dont le seul nom proclame le déluge universel, qui viendra pour punir l’excès de la malice humaine, et, malgré cet avertissement, ils n’ont pas renoncé à leurs iniquités. Cependant le Dieu de clémence, même après une prophétie si éloquente, après tant d’années, n’envoie pas encore le châtiment ; il ajoute encore à sa patience, il ajoute encore quelques années à sa douceur qui supporte le mal. C’est qu’en effet il n’a pas créé le genre humain pour le punir, mais, tout au contraire, pour le combler d’innombrables biens, dont il nous verrait jouir. Voilà pourquoi vous voyez partout Dieu même hésitant, ajoutant les délais aux délais, retardant le châtiment. Mais nous ne voulons pas, sous la multitude de nos paroles, accabler votre mémoire ; nous nous arrêterons ici, ajournant à demain les autres explications.
6. Ne nous contentons pas d’entendre simplement ces paroles, mes bien-aimés ; mais appliquons-nous à pratiquer la vertu, à regarder comme un grand bien de nous rendre agréables à Dieu ; ne faisons pas, du gouvernement de notre maison, ni des inquiétudes que nous concevons pour nos femmes, ni des soins que nous devons à nos enfants, ni de tout autre motif, un prétexte, une excuse, suffisante à nos yeux, pour qu’on nous pardonne notre négligence et notre paresse ; ne répétons plus ces paroles, sans portée, sans raison : Je suis du monde, j’ai une femme, je m’occupe de mes enfants ; ce que l’on a coutume de nous dire, quand nous demandons que l’on s’applique aux travaux de la vertu, qu’on se livre avec ardeur à la lecture de l’Écriture sainte. Ce n’est pas mon affaire, me répond-on ; est-ce que t’ai renoncé au monde ? est-ce que je suis un moine ? Que dites-vous, ô homme ? N’appartient-il qu’aux moines d’être agréables à Dieu ? Ce sont tous les hommes qu’il veut sauver, qu’il veut voir venir à la connaissance de la vérité (1Tim. 2,4), pratiquant toutes les vertus. Entendez-le, nous disant par le Prophète : Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. (Eze. 18,23) Voyons, répondez-moi, est-ce que ce juste a trouvé un obstacle dans l’union qui l’attachait à son épouse, ou dans le soin qu’il prenait de ses enfants ? Donc, je vous en conjure, ne soyons pas les premiers à nous tromper nous-mêmes. Plus nous sommes en proie aux inquiétudes, plus nous devons être avides des remèdes que nous fournit la lecture de l’Écriture sainte. N’est-il donc pas vrai que ces justes furent des hommes comme nous, et n’eurent pas, autant que nous, des secours pour la vertu ? Quelle sera donc notre excuse à nous, qui jouissons d’une telle doctrine, qui avons obtenu tant de grâces, qui sommes fortifiés d’en haut, qui avons reçu la promesse de ces biens ineffables, si nous n’allions pas plus avant que les hommes d’autrefois dans la vertu ! Si nous voulons pratiquer la sagesse, il suffit simplement des paroles entendues aujourd’hui pour exciter en nous l’amour du bien, pour nous montrer qu’entre le bien et nous il n’y a pas d’obstacle. Si les hommes qui vivaient avant la loi ont pu, par les seules lumières de la nature, atteindre à une vertu si haute, que pourrons-nous dire, nous, qui, après tant de soins qu’on a pour nous, après l’avènement du Christ, après tant de miracles sans nombre, sommes encore si loin de la vertu ? Aussi, je vous en conjure,