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la mère de Seth, en donnant un nom à son fils, fait entendre des actions de grâces ; et ce n’est ni à la nature, ni à l’enfantement, qu’elle attribue son nouveau fils, mais à la vertu de Dieu. C’est, en effet, cette vertu qui l’a rendue féconde ; elle le nomme du nom de Seth, en disant : Dieu a fait renaître en moi un autre germe à la place d’Abel que Caïn a tué. (Gen. 4,25) Voyez le choix de l’expression ! elle ne dit pas : Dieu m’a donné, mais, Dieu a fait renaître. Faites attention, voyez comme le texte montre ici, à mots couverts, les préludes de la résurrection ; elle semble dire : A la place de celui qui est tombé, Dieu a fait renaître en moi celui-ci. Abel, frappé par la main de son frère, est tombé, dit-elle : il est mort, mais la vertu de Dieu, à la place de celui qui est mort, a suscité celui-ci. Comme ce n’était pas encore l’heure de la résurrection, il n’a pas rappelé à la vie celui qui est tombé, mais il en a fait revivre un autre à sa place, voilà pourquoi elle dit : Dieu a fait renaître en moi un autre germe à la place d’Abel que Caïn a tué. Avez-vous compris la reconnaissance de la femme ? Avez-vous compris la bonté de Dieu, sa promptitude à leur envoyer la consolation ? Imitons notre mère, tous tant que nous sommes ; sachons reconnaître toujours la grâce d’en haut ; quoi qu’opère la nature, elle n’opère rien pourtant, par sa vertu propre, mais par l’ordre dé Celui qui l’a créée. Il commande, elle obéit. Et que les femmes ne se livrent jamais à la douleur, pour n’avoir pas d’enfants ; qu’elles se réfugient dans une affection pleine de gratitude, auprès du Créateur de la nature. Ce qu’elles demandent, qu’elles aillent le réclamer au Maître et Seigneur de la nature, qu’elles n’attribuent pas à leur époux, à quelque cause que ce puisse être, la naissance de leurs enfants, mais au Créateur de tous les êtres, à celui qui a produit de rien la nature, à celui qui peut corriger les défaillances de la nature. La première femme a trouvé, même dans sa douleur, un motif de glorifier Dieu ; c’est au Seigneur qu’elle attribue tout : Dieu a fait renaître en moi un autre germe, à la place d’Abel que Caïn a tué. Voyez, non seulement elle ne se plaint pas, elle ne prononce aucune parole amère (la sainte Écriture aurait rapporté toute parole de ce genre, qu’elle aurait pu prononcer), mais, au contraire, elle supporte avec courage ce qui est arrivé ; elle se console promptement ; elle manifeste une reconnaissance plus vive ; elle célèbre le bienfait du Seigneur. Voyez avec quelle bonté le Seigneur fait, de son côté, ce qui dépend de lui ; il ne se contente pas de lui donner un autre fils, mais il indique d’avance la vertu qui sera en lui. En effet, dit l’Écriture, Adam engendra un fils à son image et à sa ressemblance. Et pour nous faire comprendre, tout de suite, la vertu de ce fils, voyez comment Adam lui-même fait voir, par le nom qu’il donne à son fils, la piété de son âme : Il naquit aussi un fils à Seth qu’il appela Enos ; celui-ci commença d’invoquer le nom du Seigneur Dieu. (Gen. 4,26) Voyez-vous ce nom plus beau qu’un diadème, plus brillant que la pourpre ? qui pourrait être plus heureux que celui qui se fait une parure de l’invocation du Seigneur et qui la porte dans son nom ?
Voyez-vous, ce que je disais en commençant, que l’on trouve dans des noms, dans de simples noms, de riches trésors ? Ici, en effet, se montre, non seulement la piété des parents, mais leur attention, leur diligence pour leurs enfants. Nous voyons, ici, comment tout de suite, dès le commencement, ils instruisaient leurs enfants qui venaient de naître ; comme ils les avertissaient, par les noms qu’ils leur avaient donnés, de pratiquer la vertu. Ce n’était pas alors, comme aujourd’hui, au hasard, et le premier nom venu qu’on donnait ; l’enfant, dit-on aujourd’hui, s’appellera comme son aïeul ou son bisaïeul ; autrefois on procédait autrement ; on mettait tout son soin à donner aux enfants des noms qui excitaient à la vertu, non seulement ceux qui avaient reçu ces noms, mais aussi tous les autres hommes, même dans les âges à venir : ces noms étaient tout un enseignement de sagesse. La suite de ce discours nous le fera bien voir. En conséquence, nous aussi, ne donnons pas aux enfants les premiers noms venus, les noms des aïeuls, des bisaïeuls, les noms qui marquent une naissance illustre ; donnons-leur les noms des saints, de ceux dont les vertus ont brillé, de ceux qui ont dû leur gloire à leur confiance, à leur force dans le Seigneur ; ou plutôt, que ces noms ne fondent la confiance, ni des parents, ni des enfants qui les portent. En effet, à quoi sert un mot, vide par lui-même de vertu ? Ce qu’il faut à chacun de nous, c’est d’attendre son salut, en l’opérant par la vertu ; la sagesse ne réside pas dans les noms, dans la parenté avec les saints, dans quelque titre extérieur, mais dans la confiance