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qui attaque et qui triomphe, est frappée de mort et s’évanouit ? comment la vertu, attaquée, persécutée dans des combats sans nombre, acquiert par cela même plus d’éclat et plus de gloire ? On pourrait encore tirer d’autres événements semblables le même enseignement pour vous, mes bien-aimés, mais ne nous écartons pas de notre sujet ; reprenons les paroles que vous avez entendues : Voici le dénombrement de la postérité d’Adam. Au jour que Dieu créa l’homme, Dieu le fit à sa ressemblance ; il les créa mâle et femelle, et il leur donna le nom d’Adam au jour qu’il les créa. Voyez comment, par cette manière de reprendre le récit dès le commencement du monde, la divine Écriture nous rappelle l’honneur insigne que l’homme a reçu de son Créateur. Au jour, dit l’Écriture, que Dieu créa l’homme, Dieu le fit à sa ressemblance, c’est-à-dire, le mit à la tête de toutes les créatures visibles ; en effet, cette expression, à sa ressemblance, doit s’entendre de la domination et du commandement ; car, de même que Dieu commande à toutes les créatures, tant aux visibles qu’aux invisibles ; puisque c’est lui qui a tout créé, qui a tout fait ; de même, quand il forma l’animal qui a le privilège de la raison, il a voulu lui conférer l’honneur insigne de commander à toutes les créatures visibles. En conséquence il lui a donné la substance de l’âme, voulant qu’il possédât, lui aussi, l’immortalité, la perpétuité. Et maintenant, quand l’homme fut déchu par sa faute, quand il eut transgressé le commandement qui lui avait été fait, même alors, Dieu ne se détourna pas tout à fait de lui. Toujours miséricordieux, il lui enleva sans doute l’immortalité, mais il maintint dans le même honneur celui qui était condamné à mourir. Plus tard, quand le fils du premier homme se laissa emporter à une telle fureur, lorsque Caïn eut, le premier, fait voir au monde la face de la mort, le meurtre dans toute sa violence, et, joignant au meurtre le mensonge, eut manifesté toute espèce de perversité, Dieu voulut, par un long châtiment, le corriger, non seulement pour qu’il pût tirer son avantage de ce qui lui arrivait à lui-même, mais aussi pour que les générations suivantes pussent connaître l’étendue du forfait, l’excès, l’infamie du crime. Maintenant, lorsque ces générations lâches, corrompues, tombèrent insensiblement dans des vices plus affreux encore, Dieu voulut, pour ainsi dire, consoler Adam, qui n’était pas seulement attristé de sa faute, mais plongé, par le crime de Caïn, dans un deuil insupportable. Il avait vu, de ses propres yeux, le corps d’Abel massacré ; il ne savait pas auparavant quel était l’aspect de la mort, quoique la sentence de mort eût été portée. Adam subissait donc une double et triple cause de deuil, car ce fut pour la première fois qu’on vit la mort introduite dans la vie, la mort violente, l’œuvre d’un fils contre un frère, né du même père et de la même mère, et ce frère n’avait fait aucun mal à son meurtrier. Dieu voulant donc, dans sa bonté, donner au premier père une consolation égale à ses douleurs ; lui accorde un autre fils ; vous savez son nom, Seth ; et, après lui avoir envoyé cette consolation suffisante, il tire, de ce fils, le commencement de la nouvelle postérité. Voilà pourquoi le bienheureux prophète commence par ces paroles : Voici le dénombrement de la postérité d’Adam. Ensuite, comme il a promis de raconter la suite des générations humaines, voyez la succession qu’il expose : Adam ayant vécu cent trente ans engendra un fils à son image et à sa ressemblance, et il le nomma Seth ; après qu’Adam eut engendré Seth, il vécut sept cents ans, et il engendra des fils et des filles ; et tout le temps de la vie d’Adam ayant été de neuf cent trente ans, il mourut. (Gen. 5,3-5)
3. N’avais-je pas raison de dire en commençant que rien n’est laissé au hasard, que chaque mot renferme des pensées dans l’Écriture sainte ? Voyez encore ici le soin diligent du bienheureux prophète : Adam, dit-il, engendra un tels à son image et à sa ressemblance, et il le nomma Seth. Quand il parlait de son premier fils, de Caïn, il n’a rien dit de pareil, faisant déjà pressentir le penchant qui le portait au mal, et le prophète avait raison ; car il ne conserva pas les mœurs qui caractérisaient son père, mais il se laissa bien vite emporter vers le mal. Ici, au contraire, il dit : À son image et à sa ressemblance, ce qui veut dire : ayant les mêmes mœurs que celui qui l’avait engendré, conservant les mêmes caractères de vertu, destiné à reproduire par ses œuvres l’image de son père, à réparer, par sa vertu particulière, la faute de son frère aîné. En effet, l’Écriture ne parle pas ici des traits du corps, quand elle dit : A son image et à sa ressemblance, mais des qualités de l’âme, afin que nous comprenions que celui-ci ne ressemblera pas à Caïn. Aussi