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la santé et soigner les plaies de son âme, vienne au médecin, l’âme sobre et vigilante, et dégagée de toutes les préoccupations séculières, qu’il répande d’abondantes larmes, qu’il donne des marques d’une grande assiduité, qu’il apporte une foi ferme et une entière confiance dans la science du médecin, et il ne tardera pas à retrouver sa santé. O médecin dont la bonté efface celle du père le plus tendre ! Est-il rien de moins pénible et de moins dur que les conditions qu’il demande de nous, la contrition du cœur, la componction de l’âme, l’aveu de la faute, une assiduité constante ? Et il ne nous fait pas seulement la grâce de guérir nos blessures, mais il en efface jusqu’à la moindre trace. Nous étions auparavant accablés du poids de mille péchés et il nous fait justes. O miséricorde infinie, bonté incomparable ! Un pécheur vient, il confesse ses péchés, il en demande pardon, il montre une ferme résolution de ne plus pécher à l’avenir, et le voilà juste. Et pour que vous ne doutiez pas de ce miracle, écoutez cette parole du prophète : Dis tes péchés le premier, afin que tu sois justifié. (Is. 43,26) Il ne dit pas simplement : dis tes péchés, mais il ajoute : le premier ; c’est-à-dire, n’attends pas qu’un autre t’accuse et te convainque ; préviens l’accusation, hâte-toi de prendre la parole, ferme cette bouche étrangère qui parlerait contre toi.
4. Voyez-vous la clémence du juge ? Devant les tribunaux humains, si un accusé suivait cette conduite ; si, prévenant les preuves, il avouait tout ce qu’il a fait, il s’épargnerait peut-être la question avec ses épreuves et ses tortures, si toutefois il avait affaire à un juge clément ; mais la sentence qui condamne au dernier supplice, il ne l’éviterait certainement pas. Quant à notre Dieu, ce charitable médecin de nos âmes, sa bonté est infinie, et sa miséricorde ineffable. Si nous prenons les devants sur notre adversaire, sur le diable qui se fera notre accusateur au dernier jour et qui l’est déjà dès cette vie, si nous faisons notre confession avant que de comparaître devant le tribunal, si de nous-mêmes nous prenons la parole pour nous accuser, nous exciterons la miséricorde du souverain Juge, au point que non content de nous absoudre de nos fautes, il inscrira encore notre nom parmi ceux des justes.
Lamech n’était instruit par aucune loi positive ; il n’avait pas entendu de prophètes, il n’obéissait à aucune exhortation venue du dehors, il n’avait que sa conscience pour lui faire sentir la gravité de ses fautes, et néanmoins cette voix intérieure suffit pour lui arracher l’aveu et la condamnation de ce qu’il avait fait, et nous serions excusables, nous, de ne pas montrer soigneusement nos blessures au médecin charitable qui n’exige que cela pour les guérir ! Et cette confession, si nous ne la faisions pas maintenant que le temps du jeûne nous en offre l’occasion propice, par le calme qu’il a mis dans nos pensées, par.l'exclusion qu’il a donnée à toute espèce de volupté, quand donc pourrions-nous rentrer en nous-mêmes de manière à mettre ordre aux affaires dé notre conscience ? Soyons donc sobres et vigilants, je vous en conjure, consacrons-nous tout entiers à cette affaire importante, et à force d’assiduité et de soin évitons un châtiment qui sera si sévère, sauvons-nous du feu de l’enfer. C’est maintenant qu’il y faut travailler, maintenant que le temps du jeûne vous offre plus de ressources par les fréquentes instructions que vous recevez.
Or, Adam connut Eve sa femme, et celle-ci ayant conçu, enfanta un fils, et elle le nomma Seth, disant : Dieu m’a suscité une autre postérité à la place d’Abel, que Caïn a tué. Arrêtant la liste généalogique à Lamech, la sainte Écriture remonte à Adam et à sa femme, et dit : Or, Adam connut sa femme, et celle-ci ayant conçu, enfanta un fils, et elle le nomma Seth, disant : Dieu m’a suscité une autre postérité à la place d’Abel tué par Caïn. Elle enfanta, est-il écrit, un fils, et elle lui donna le nom de Seth. Non contente d’avoir donné un nom à son nouveau-né, la mère ajoute encore : Dieu m’a suscité une autre postérité ci la place d’Abel tué par Caïn. Remarquez le soin que prend cette mère, par le nom qu’elle donne à son fils, de perpétuer la mémoire de ce crime abominable ; c’est afin que les générations futures apprennent le meurtre commis par Caïn, qu’elle dit : au lieu d’Abel tué par Caïn. Parole d’une mère affligée par la douleur, troublée par le souvenir d’un triste événement, parole d’action de grâce pour le fils que Dieu envoie, mais parole qui, dans le nom du nouveau-né, imprime d’une manière ineffaçable le crime d’un autre fils. Et en vérité, quel deuil amer Caïn n’avait-il pas causé à ses parents, lorsqu’il avait armé sa main contre son frère, lorsqu’il leur avait fait voir cet enfant si tendrement