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qu’il a fait, et dévoile le meurtre qu’il a commis, mais il s’impose une peine en comparant son crime à celui de Caïn. De quel pardon semble-t-il dire, est digne celui qui n’a pas profité de l’exemple d’autrui pour devenir meilleur, celui qui ayant continuellement dans l’esprit le souvenir du châtiment infligé au premier meurtrier, n’a pas laissé néanmoins que de commettre deux meurtres ? J’ai tué, dit-il, un homme qui m’a blessé, et un jeune homme qui m’a meurtri. C’est comme s’il disait : J’ai moins fait de mal à ceux que j’ai tués que je ne m’en suis fait à moi-même. Car j’ai encouru un châtiment inévitable, puisque j’ai commis des crimes trop énormes pour être pardonnés. Si Caïn, pour un seul meurtre, a mérité sept vengeances, j’en ai encouru, moi, septante fois sept. Pourquoi, par quelle raison ? En effet, bien qu’il ait été homicide et même fratricide, cependant il n’avait point devant les yeux l’exemple d’un homme qui eût osé un pareil crime, qui en eût été châtié, qui eût par là attiré sur soi le poids de la colère de Dieu ; deux circonstances aggravantes pour moi, puisque j’avais sous les yeux le double exemple du crime et du châtiment, et que je n’en ai pas été meilleur. C’est pourquoi, dusse-je subir septante fois sept vengeances, je n’aurais pas encore suffisamment payé ce que j’ai fait.
3. Voyez-vous, mon cher auditeur, comment Dieu a créé nôtre volonté libre et maîtresse de ses déterminations ; comment, lorsque nous tombons, c’est notre négligence qui en est cause, et comment, lorsque nous voulons être vigilants, nous savons clairement distinguer le devoir ? Qui donc, dites-moi, a poussé cet homme à faire une telle confession ? Personne, si ce n’est la conscience, cet incorruptible juge. Après que, suivant le penchant de la mauvaise nature, il eut mis à exécution un dessein coupable, aussitôt la conscience se souleva en lui en élevant la voix contre l’énormité des crimes commis et en lui dénonçant de combien de punitions il s’était rendu passible. Tel est le péché avant qu’il soit commis et accompli, il obscurcit le raisonnement et trompe l’esprit. Mais lorsqu’il est consommé, c’est alors que nous en voyons clairement l’absurdité ; et ce rapide et absurde plaisir s’envole, nous laissant après lui une douleur durable ; il s’envole, emportant avec soi cette noble assurance qui faisait la joie de la conscience, après y avoir substitué la honte dans laquelle reste abîmé le malheureux pécheur. Le Dieu bon nous a attaché cet accusateur intime, avec ordre de ne jamais nous quitter, de crier sans cesse, en nous demandant compte de nos prévarications. Il ne faut, pour s’en convaincre, que consulter l’expérience. Le fornicateur, l’adultère, ont beau n’avoir pas été surpris, ils n’en sont pas plus tranquilles ; grâce à cet énergique et infatigable accusateur, ils ont peur des soupçons, ils tremblent pour une ombre, ils craignent ceux qui savent, ceux qui ne savent pas, c’est dans leur âme une tempête incessante, des flots succédant aux flots. Le sommeil, pour un tel homme, n’a plus de douceur, il n’a plus que des craintes et des terreurs. Rien ne le récrée, rien n’apaise son trouble intérieur : ni la suavité des mets, ni le charme d’une conversation amicale. Après cette mauvaise action, faite cependant sans témoin, il est comme s’il portait partout en lui-même un bourreau qui le flagellerait toujours. Telles sont les peines qu’il endure sans autre juge, sans autre accusateur que lui-même.
Si cependant le coupable veut profiter des avertissements de sa conscience, recourir à la confession de ses fautes, montrer sa blessure au médecin spirituel qui l’attend pour le guérir et non pour lui faire des reproches, s’il veut recevoir ses remèdes, s’entretenir seul à seul avec lui sans témoin et tout dire sans rien dissimuler, il obtiendra vite et facilement l’absolution de ses péchés. La confession du mal qu’on a fait est l’abolition des péchés commis. Si Lamech n’a pas refusé d’accuser devant ses femmes les meurtres commis par lui ; de quel pardon serons-nous dignes, nous, si nous ne voulons pas accuser nos péchés devant Celui qui sait exactement jusqu’à la moindre de nos fautes ? Car il n’ignore rien et ce n’est pas pour s’instruire qu’il veut que nous nous confessions, puisqu’il sait toutes choses avant même qu’elles arrivent. Il commande la confession afin que nous ayons nous-mêmes le sentiment de nos fautes, et afin que nous fassions preuve de bonne volonté à son égard. Est-il question en cela de grandes dépenses à faire, de longs voyages à entreprendre ? Le traitement à subir est-il pénible et douloureux ? Au contraire, la guérison a lieu sans frais, sans douleur et promptement. Le divin Médecin approprie ses remèdes au degré de bonne volonté de celui qui vient à lui pour être guéri de ses blessures. Que celui donc qui veut promptement recouvrer