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par leur histoire, comme par les sacrifices qu’ils offraient au Seigneur, que la connaissance du bien que nous devons faire et du mal que nous devons éviter de faire est inhérente à notre nature ; que l’Ouvrier divin, Celui qui a tout fait, nous a doués du libre arbitre ; que c’est la disposition de notre cœur qui nous vaut la condamnation ou la couronne ; que ce fut, en effet, la raison pour laquelle le sacrifice d’Abel fut agréé et celui de Caïn rejeté ; que la jalousie que Caïn en conçut le poussa au meurtre de son frère ; qu’après cet exécrable forfait, Dieu le provoqua à faire l’aveu de son péché, que le malade repoussa ce remède divin, qu’il attira enfin sur sa tête le sévère châtiment que vous savez, pour avoir ajouté le mensonge au meurtre ; qu’il se priva ainsi de tout secours d’en haut, devint un exemple capable de retenir dans le devoir ceux qui viendraient après lui ; que par la sentence portée contre lui, il instruit tout le genre humain, comme s’il lui disait à haute – voix : que personne parmi vous ne commette le même crime, s’il ne veut éprouver le même châtiment. À ce sujet je vous ai fait remarquer la bonté du Seigneur, qui a voulu, parla peine qu’il a infligée, non seulement corriger Caïn, mais encore apprendre à tous ceux qui naîtraient après lui, à se garder d’un crime semblable.
Voyons donc maintenant la suite, et considérons ce que raconte aujourd’hui ce bienheureux prophète instruit par la vertu de l’Esprit-Saint. Après qu’il eut entendu sa sentence, Caïn sortit de devant la face de Dieu. Que veut dire cette parole : sortit de devant la face de Dieu ? Elle veut dire qu’il fut privé de l’assistance divine à cause de son abominable action. Et il habita dans la terre de Naïd, en face de l’Éden. L’écrivain sacré nous dit le lieu où Caïn fit désormais sa demeure, et il nous enseigne qu’il vécut non loin du paradis, afin qu’il conservât perpétuellement le souvenir et de ce qui était arrivé à son père après sa prévarication et de l’énormité de son propre crime, et du châtiment qui lui avait été infligé, parce qu’il n’avait pas su profiter, pour se conduire sagement, de l’exemple de son père. Le lieu lui-même qu’il habitait, lui rappelait continuellement par son nom à lui et à ses descendants, l’agitation et le tremblement, supplice de sa vie terrestre, car le nom de Naïd est un mot hébreu qui signifie agitation. Dieu l’établit donc là, afin que le lieu lui-même ne cessât Je lui reprocher son crime, comme s’il eût été gravé sur une colonne d’airain.
La sainte Écriture continue : Et Caïn connut sa femme, et, ayant conçu, elle enfanta Enoch. Puisque les hommes étaient devenus mortels, ils avaient raison de se perpétuer par la procréation des enfants. Mais, me dira peut-être quelqu’un, où Caïn eut-il une femme, puisque, à cet âge du moins, l’Écriture ne fait mention d’aucune autre que d’Eve ? Ne vous en étonnez point, mon cher auditeur ; nulle part l’Écriture ne donne exactement la généalogie des femmes ; toujours soigneuse d’éviter le superflu, elle ne mentionne individuellement que les hommes et encore pas tous, car souvent elle dit sous une forme abréviative qu’un tel engendra des fils et des filles. Il faut donc croire qu’Eve mit au monde, après Caïn et Abel, une fille que Caïn prit pour femme. Dans ces premiers commencements du monde, la nécessité de propager la race faisait qu’il était permis aux hommes d’épouser leurs sœurs. Nous laissant donc faire ces conjectures, d’ailleurs certaines, la sainte Écriture se borne à raconter que Caïn connut sa femme, laquelle ayant conçu, enfanta Enoch. Et il construisit une ville du nom de son fils Enoch. Voyez comme ils deviennent peu à peu ingénieux et avisés. Mortels, ils veulent du moins immortaliser leur mémoire, soit en engendrant des enfants, soit en bâtissant des villes auxquelles ils donnent les noms de leurs enfants. On pourrait dire avec raison que toutes ces choses étaient autant de monuments de leurs péchés et de leur déchéance de cette gloire primitive dont jouissaient Adam et Eve, dans laquelle ils n’avaient nul besoin de toutes ces précautions, puisqu’alors ils étaient dans un état où ne pouvait les atteindre aucun des accidents contre lesquels ils se prémunissaient maintenant.
A Enoch lui-même naquit Gaïdad, et Gaïdad engendra Maléléel, et Maléléel engendra Mathusala, et Mathusala engendra Lamech. Vous voyez comme l’écrivain sacré passe en courant sur les généalogies, ne mentionnant que les hommes, et laissant les femmes sans les nommer. De même, qu’au sujet de Caïn, il dit qu’il connut sa femme, sans nous dire d’où il l’avait eue ; de même encore, à propos de Lamech, il dit : et Lamech épousa deux femmes ; la première se nommait Ada, et la