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AVERTISSEMENT.


Qu’il parle ou qu’il écrive, saint Jean Chrysostome ne fait guère que commenter la sainte Écriture. Il ne pense, il ne sent, il ne raisonne que d’après le Livre sacré. C’est son élément, et il s’y tient si constamment qu’il semble ne pas connaître autre chose. Il le parcourt dans tous les sens avec une aisance et une agilité merveilleuses ; sans cesse il vole de la Genèse à l’Évangile, de l’Évangile à la Genèse, de David et d’Isaïe à saint Paul et à saint Jean, de ceux-ci à ceux-là, comparant les textes, les complétant, les éclaircissant les uns par les autres, avec une éloquence toujours montée au ton de l’enthousiasme.
Dans ce perpétuel commentaire des Livres saints qu’offrent les œuvres complètes du grand Docteur, on distingue néanmoins ce qu’on pourrait nommer les œuvres de circonstance, Traités, Homélies, Lettres : elles remplissent les quatre premiers volumes de cet ouvrage ; puis les commentaires suivis sur de grandes parties de l’Écriture, ce qu’on peut nommer les commentaires proprement dits. Il y en a sur la Genèse, sur les Psaumes, sur les Prophètes, sur saint Matthieu, sur saint Jean, sur toutes les épîtres de saint Paul. C’est cette seconde catégorie, de beaucoup la plus considérable et la plus importante, des œuvres de notre auteur, que nous abordons avec notre tome Ve : elle remplira tous les volumes suivants jusqu’au dernier, que Dieu nous fasse la grâce d’achever bientôt.
Le P. Montfaucon, à son ordinaire, fait précéder le commentaire sur la Genèse d’une dissertation aussi longue qu’érudite sur le nombre des homélies, sur le lieu et sur l’époque où elles furent prononcées, sur le style qui leur est propre, sur l’édition des Septante suivie par saint Chrysostome, sur ce que l’Orateur entend par le centième dont il parle dans sa troisième homélie, sur la grande semaine, sur le jour dominical, et sur l’inégalité des heures chez les anciens.
Voici les conclusions de cette dissertation : Le nombre des Homélies est de 67 : elles furent prêchées à Antioche pendant le carême, on ne sait de quelle, année. Selon Photius, le style de ces homélies est moins correct que celui des autres écrits de saint Chrysostome. Les parenthèses sont quelquefois si longues, que le saint Docteur perd totalement de vue son sujet. C’est qu’il parlait sans beaucoup de préparation et que souvent il se laissait entraîner par de nouvelles pensées qui le frappaient subitement. Cela n’empêche pas que l’on y remarque cette pureté de langage, cette clarté d’expression, cette abondance de similitudes, cette vivacité d’images qui caractérisent toujours saint Chrysostome. L’édition des Septante dont s’est servi saint Chrysostome diffère en quelques endroits de l’édition commune. Le centième dont il est fait mention à la troisième homélie exprime le taux ordinaire de l’usure chez les anciens, un pour cent par mois. Les habitants d’Antioche donnaient le nom de Grande semaine à la dernière semaine du carême.
Le jour dominical ἡμέρα χυρία, dont parle saint Chrysostome, n’est autre que le jour de Pâques. Les anciens, divisant le jour et la nuit chacun en douze parties égales, avaient nécessairement des heures plus ou moins longues suivant les différentes saisons de l’année.
J.-B. J.

HOMÉLIES SUR LA GENÈSE.

PREMIÈRE HOMÉLIE.

ANALYSE.

  • 1. L’annonce du carême doit être accueillie avec joie, parce qu’il est un remède aux maux de notre âme. – Le jeûne et l’abstinence produisent une infinité de biens, tandis que l’intempérance a introduit dans le monde le péché et la mort. – 2. Exemple d’Adam et d’Eve, des habitants de Sodome et des Israélites dans le désert. —3. Au contraire, par le jeune, Élie a été enlevé au ciel, Daniel enchaîna la férocité des lions, et les Ninivites obtinrent le pardon (le leurs iniquités. – Jésus-Christ lui-même a voulu jeûner quarante jours ; et c’est à son imitation que l’Église a adopté ce nombre dans le saint carême. – 4. Influence salutaire du jeûne, et suites funestes de l’intempérance.


1. Je surabonde de joie et d’allégresse en voyant aujourd’hui la foule des fidèles remplir l’église de Dieu, et je loue le pieux empressement qui vous y rassemble. Aussi, le riant épanouissement de vos traits – m’est-il un signe certain du contentement de vos âmes : car le Sage a dit que la joie du cceur brille sur le visage. (Prov. 15,13) C’est pourquoi j’accours moi-même plein d’enthousiasme pour prendre part à la joie spirituelle de vous tous, et pour vous annoncer le retour de cette sainte quarantaine qui nous apporte la guérison des maux de l’âme. Et en effet, le Seigneur, comme un bon père, ne désire rien tant que de nous pardonner nos fautes anciennes ; et c’est pourquoi il nous en offre dans le saint carême la facile expiation. Que personne donc ne paraisse triste et chagrin, et que tous au contraire, pleins de joie et d’allégresse, célèbrent le divin médecin de nos âmes qui nous ouvre cette voie de salut, et accueillent avec transport l’annonce de ces jours bénis. Que les Gentils soient confondus, et que les Juifs rougissent en voyant quel zèle éclate parmi nous à l’approche du carême, et qu’ils connaissent par leur propre expérience l’immense intervalle qui les sépare de nous. Ils appellent fêtes et féries ces jours que probablement ils passeront dans les excès de la table, du vin et des plaisirs ; mais l’Église de Dieu pratique les vertus opposées à ces vices elle aime le jeûne et recherche les salutaires résultats de l’abstinence. Voilà ses fêtes. Et ne sont-ils pas en effet de véritables fêtes, ces jours où l’on s’occupe du salut de son âtre, et où la