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divines Écritures, dans quel autre temps pourrons-nous le faire ? Je vous prie donc, je vous supplie, et, tout prêt à me jeter à vos genoux, je vous conjure d’écouter ce que je vous dis avec un esprit attentif, afin que vous ne vous retiriez pas dans vos maisons sans emporter d’ici quelque chose qui élève vos âmes et les porte vers Dieu.
Que signifie donc cette parole : se rendra responsable de sept vengeances ? Observons d’abord que dans la sainte Écriture le nombre sept s’emploie souvent d’une manière indéterminée et signifie plusieurs ou un grand nombre ; par exemple, on lit au premier livre des Rois (2, 5) : Celle qui était stérile est devenue mère de sept, c’est-à-dire d’un grand nombre d’enfants. Il y a beaucoup d’exemples d’une semblable acception. Ici l’Écriture nous fait entrevoir l’énormité du forfait de Caïn, puisqu’elle le considère non comme un péché unique, mais comme constituant sept péchés, pour chacun desquels un châtiment sévère est destiné. Essayons d’énumérer ces péchés. Premièrement, il a porté envie à son frère à cause de la bienveillance que Dieu lui a témoignée, et il n’en eût pas fallu davantage pour le perdre ; deuxièmement, c’est à son propre frère qu’il porte envie ; troisièmement, il tend un piège ; quatrièmement, il commet un meurtre ; cinquièmement, c’est son propre frère qu’il tue ; sixièmement, il est l’auteur du premier meurtre qui se soit commis ; septièmement, il ment à Dieu. Avez-vous suivi cette énumération, ou s’il faut que je la reprenne en vous montrant que chacune de ces circonstances aggravantes méritait par elle-même un grave supplice ? Porter envie à celui que Dieu favorise est-ce excusable ? Voilà donc déjà une faute impardonnable. Elle s’aggrave encore lorsque c’est à un frère, de qui l’on n’a souffert aucune injustice, que l’on porte envie. Voilà donc encore un péché qui n’est pas des plus petits. C’est une troisième faute de tendre un piège, de tromper, d’entraîner dans la campagne, de fouler aux pieds la nature. Le meurtre forme le quatrième péché. Le cinquième résulte de la circonstance que c’est un frère qui est mis à mort, un frère né du même sein. Introduire dans le monde une nouvelle espèce de péché, voilà le sixième péché. Le septième péché : le meurtrier ose mentir à Dieu qui daigne l’interroger. Voilà pourquoi Dieu dit : celui qui tentera de le tuer prendra sur soi le fardeau de sept vengeances. Ainsi, ne crains pas cela ; car voici que je, mets sur toi un signe qui te fera reconnaître de quiconque te rencontrera. Ton infirmité sera utile aux générations futures, et ce crime que tu as commis sans témoin, tous l’apprendront en te voyant trembler et gémir ; ce tremblement de tout ton corps sera comme une voix entendue de tous, qui dira : que personne ne fasse ce que j’ai fait, de peur que, s’il l’ose, il ne soit frappé d’un semblable châtiment.
6. Que ces enseignements se gravent dans vos esprits, mes très-chers frères ; et qu’ils ne fassent pas seulement que, les effleurer en passant. Venir ici chaque jour se nourrir de l’aliment de la parole sainte, c’est très-bien, mais cela ne suffit pas, il ne vous servira de rien d’entendre expliquer la loi de Dieu si vous ne la pratiquez point. Ayant toujours présent à la pensée le péché de Caïn, ses causes et son impardonnable énormité, de Caïn devenu homicide par envie, homicide d’un frère qui ne lui avait fait aucun mal, craignons beaucoup moins de souffrir nous-mêmes du mal que d’en causer aux autres. Le mal ne frappe véritablement que celui qui tente de nuire à son prochain. Afin que vous en soyez convaincus, regardez ici avec moi lequel des deux est le plus malheureux, de celui qui tue ou de celui qui est tué. N’est-il pas évident que c’est le meurtrier ? Pourquoi ? parce que là louange de celui qui a été tué, est encore aujourd’hui dans toutes les bouches, parce que son nom est toujours prononcé avec admiration, comme celui du premier martyr de la vérité, selon ce que dit le bienheureux Paul : Tout mort qu’il est, Abel parle encore. (Héb. 11,4) Mais le meurtrier, outre qu’il a vécu plus misérablement que tous les hommes, est demeuré odieux à tout le genre humain, et la sainte Écriture l’offre continuellement à tous les âges comme un exemple terrible de la vengeance et de la malédiction divines. Tel est le parallèle pour cette vie présente et périssable ; mais si on voulait le poursuivre jusqu’à l’autre vie où le juste Juge rendra à chacun selon ses œuvres, quel discours pourrait exprimer tout ce qu’il y aura de bonheur d’une part, de malheur de l’autre. Pour Abel, le royaume des cieux, les tabernacles éternels, les chœurs des patriarches, des prophètes et des apôtres, et la grande assemblée des saints, où il régnera dans les siècles des siècles en compagnie du Roi Jésus-Christ,