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a-t-elle été la cause de sa mort, et ne pouvant t’en prendre à moi, tu as fait retomber sur lui le poids de ta colère. C’est pourquoi je t’infligerai un châtiment qui ne laissera pas tomber ton crime dans l’oubli, un châtiment qui servira d’exemple et de leçon à tous les hommes à venir. Et maintenant, puisque tu as fait cela, puisque tu as exécuté ton mauvais dessein, et que l’excès de l’envie t’a précipité dans le meurtre : Tu seras maudit sur la terre.
3. Voyez-vous, mon cher auditeur, comme cette malédiction diffère de celle d’Adam ? Ne passez pas négligemment, mais par la grandeur de la malédiction comprenez l’énormité du crime. Combien ce péché était plus grief que la prévarication du premier homme, vous pouvez en juger par la différence de la malédiction. Dieu avait dit à Adam : La terre est maudite en tes œuvres (Gen. 3,17), répandant la malédiction sur la terre et épargnant l’homme par bonté ; mais ici, comme l’œuvre est d’une grièveté mortelle, qu’il s’agit d’un forfait, d’une iniquité monstrueuse et impardonnable, c’est Caïn lui-même qui est frappé de malédiction : Et maintenant te voilà maudit sur la terre. Il avait à peu près fait la même chose que le serpent, il avait comme lui servi d’instrument à la pensée du diable, comme lui employé la ruse pour introduire la mort dans le monde, puisqu’il avait trompé son frère pour le faire sortir dans la campagne, et qu’ayant armé sa main, il l’avait tué. Aussi Dieu qui avait maudit le serpent : Tu seras maudit parmi les bêtes de la terre, Dieu maudit de même Caïn, dont l’œuvre ressemblait à celle du serpent. Le diable était tourmenté par l’envie ; il ne pouvait voir sans un dépit amer les immenses bienfaits dont Dieu avait comblé l’homme dès le premier jour de sa vie, c’est pourquoi il ourdit une traîne artificieuse qui introduisit la mort dans le monde. De même Caïn regarda d’un œil envieux et jaloux la bienveillance particulière de Dieu pour Abel, et de l’envie il passa au meurtre. Voilà pourquoi Dieu lui dit : Tu seras maudit sur la terre. Tu seras en abomination à cette même terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Oui, elle te repoussera avec horreur, cette terre, parce qu’elle s’indigne d’avoir été arrosée d’un tel sang, souillée d’un tel forfait, outragée par ta main homicide.
Ensuite la sainte Écriture, interprétant la malédiction, ajoute : Quand tu l’auras cultivée, elle ne donnera pas son fruit. Terrible châtiment et qui dénote une grande indignation en celui qui l’inflige. Tu supporteras le poids du travail, tu emploieras tout ce que tu as de force à cultiver cette terre souillée de ce sang, et tu ne recueilleras aucun fruit de tes pénibles travaux ; quelle que soit la peine que tu endures, elle ne produira rien. Là ne se bornera pas ton châtiment, mais tu iras gémissant et tremblant par toute la terre. Quel plus grand supplice de toujours gémir et trembler ! Puisque tu ne t’es pas servi comme il fallait de la force de ton corps et de la vigueur de tes membres, voici que je t’impose la peine d’une agitation et d’un tremblement continuel, non seulement afin que tu aies toi-même un perpétuel avertissement et un impérissable souvenir de ton crime, mais encore afin que tous ceux qui te verront soient instruits par la seule vue, afin que ton seul aspect soit comme une voix puissante qui avertisse les spectateurs de s’abstenir du crime, s’ils veulent éviter le châtiment, afin que la punition qui pèsera sur toi enseigne aux hommes à ne plus souiller la terre du sang de leurs frères. Et pour mieux atteindre ce but, je ne te ferai pas mourir trop tôt, de peur que ton forfait ne tombe dans l’oubli, mais je ferai en sorte que tu traînes une vie plus pénible que la mort, afin que tu saches quel est ton crime.
Et Caïn dit au Seigneur : Mon crime est trop grand pour que j’en obtienne la rémission. Voilà une parole qui, si nous sommes attentifs, nous fournira un enseignement très-important et très-utile à notre salut. Et Caïn dit : Mon crime est trop grand pour que j’en obtienne la rémission. La confession est complète. Mon péché est si grand, dit-il, qu’il n’est pas possible que j’en reçoive le pardon. Il s’est donc confessé, et confessé entièrement ? Oui, mais sans aucun profit, car il l’a fait d’une manière intempestive. Il aurait fallu le faire en temps convenable, alors que le Juge était disposé à la miséricorde. Souvenez-vous de ce que je vous disais naguère, que dans ce terrible dernier jour, et devant le Tribunal où il ne sera fait aucune acception des personnes, chacun de nous sentira un vif repentir de ses péchés, lorsqu’il aura devant ses yeux les supplices et les châtiments désormais inévitables de l’enfer, mais ce sera un repentir inutile, parce qu’il