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DIX-NEUVIÈME HOMÉLIE.


« Caïn se retira de devant la face de Dieu et habita dans la terre de Naïd, en face de la région d’Éden. » (Gen. 4,16, etc)

ANALYSE.

  • 1. L’âme subjuguée par le péché n’entend même plus les exhortations qui la rappellent à la vertu ; ce n’est pas un effet de son impuissance ; non, l’âme est libre et elle reste libre, même sous le joug du péché, de suivre les inspirations de Dieu qui veut bien l’aider, mais non la forcer. – 2. Dieu est si bon qu’il daigna encore interroger Cain après son crime, il l’interrogeait pour l’exciter an repentir, et trouver moyen de lui faire miséricorde. – 3. Caïn après sa réponse arrogante et impie, fut maudit de Dieu. Différence entre cette malédiction et celle que Dieu prononça après le péché d’Adam ; celle-ci frappe la terre, celle-là le pécheur Caïn lui-même. – 4. La pénitence et la confession sont inutiles quand on y a recours hors du temps convenable. – 5. Que signifient les sept vengeances réservées à celui qui tuera Caïn ? – 6. Exhortation.


1. Comme il y a des blessures incurables qui ne cèdent ni aux remèdes énergiques ni à ceux qui ont pour effet d’adoucir ; de même quand une âme est une fois devenue captive du démon, qu’elle s’est livrée à quelque péché et qu’elle ne veut plus même comprendre son intérêt, alors on a beau lui prodiguer les instructions et les conseils, c’est peine perdue, et elle ne retire pas plus d’utilité de l’exhortation que si le sens de l’ouïe était mort en elle, ce qui arrive non pas faute de pouvoir, mais faute de vouloir. C’est en quoi les vices de la volonté diffèrent des infirmités du corps. Car pour ce qui est du corps les affections qui viennent de la nature sont la plupart du temps inguérissables ; il en est tout autrement de la volonté libre. Si mauvais que l’on soit, on peut, si l’on veut, changer et devenir bon, et l’on peut également, quoique bon, glisser au mal si l’on se néglige.
Après avoir fait notre nature capable de se déterminer elle-même, le Dieu auteur de toutes choses, qui est la bonté par essence, ne néglige rien pour nous amener au bien, et comme il connaît les sentiments les plus intimes, les pensées les plus secrètes qui s’agitent au fond de nos cœurs, il nous exhorte, il nous conseille, il prévient nos mauvais desseins. Ce n’est pas qu’il emploie la contrainte, mais, il use de remèdes appropriés aux maux de chacun, et ensuite il abandonne le tout à la décision du malade.
Telle est la conduite qu’il a tenue particulièrement à l’égard de Caïn. Voyez néanmoins dans quel abîme de malice celui-ci est tombé, malgré les efforts d’une providence si attentive ! Il devait, puisqu’il avait conscience du crime qu’il méditait, s’appliquer uniquement à corriger la perversité de sa pensée ; mais non dominé par une sorte d’ivresse, à la blessure qu’a déjà reçue son âme il en apporté une seconde ; quant au remède qui lui était appliqué d’une main si douce, il ne le supporte pas, mais il se hâte d’exécuter le meurtre dont il a conçu le noir dessein ; il s’y prend par la ruse et l’astuce, il trouve des paroles trompeuses pour faire tomber son frère dans le piège. Telle est la férocité de l’homme qui tourne au mal. Grand et respectable quand son effort tend au bien, cet animal raisonnable devient aussi bassement cruel que les bêtes féroces lorsque c’est vers le mal que se dirige son énergie. Sa douceur