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péché, il devait faire pénitence et se corriger, car notre Dieu est toujours plein de miséricorde, et il hait en nous moins le péché que (endurcissement dans le péché. Mais Caïn n’en tint aucun compte.
6. Au reste, la conduite du Seigneur montra bien alors toute la grandeur de sa miséricorde, non moins que l’excellence de sa bonté, et même l’excès de sa patience. Et en effet, quand il vit Caïn violemment attristé, et comme submergé par les flots de la douleur, il ne détourna point ses regards de dessus lui, mais il se souvint qu’il avait agi envers Adam avec une tendre compassion, qu’il lui avait facilité après son crime l’occasion d’en obtenir le pardon, et qu’il lui avait comme ouvert la porte d’un humble aveu par cette interrogation : Adam, où es-tu ? Aussi le voyons-nous témoigner à cet ingrat la même bonté, et lui tendre, sur le bord de l’abîme, une main secourable. C’est ainsi que pour lui aplanir les voies de la pénitence et du repentir, il lui adressa ces paroles : Pourquoi es-tu triste, et pourquoi ton visage est-il abattu ? Ton offrande était bonne en elle-même, mais n’as-tu pas péché dans le choix des fruits ? apaise donc ton irritation ; son recours sera en toi et tu le domineras. Considérez ici, mon cher frère, l’indulgente et ineffable bonté du Seigneur. Il vit que Caïn était en proie à un mal violent, et qu’une noire jalousie l’assaillait fortement ; et voilà qu’il se hâte, dans sa miséricordieuse tendresse, de lui présenter un salutaire remède. Bien plus, il lui tend une main secourable pour l’arracher aux flots qui menacent de le submerger.
Pourquoi es-tu triste, lui dit-il ; et pourquoi ton visage est-il abattu ? D’où vient cette tristesse si grande qu’on lit sur ton front les signes d’un profond chagrin ? Pourquoi ton visage est-il tout abattu ? et quelle est la cause de cette mélancolie ? Pourquoi n’as-tu pas réfléchi à ce que tu faisais ? et croyais-tu offrir tes sacrifices à un homme qu’on peut tromper ? Enfin ignores-tu que je n’ai nul besoin des présents de l’homme, et que je ne considère dans le sacrifice que l’intention de celui qui l’offre ? Pourquoi donc es-tu triste ? et pourquoi ton visage est-il abattu ? ton offrande était bonne en elle-même ; mais n’as-tu pas péché dans le choix des fruits? Oui, la pensée de m’offrir un sacrifice était louable ; et le choix mauvais des fruits offerts m’a seul fait rejeter ce sacrifice. L’oblation d’un sacrifice exige de grandes précautions, et la distance infinie qui sépare le Dieu qui le reçoit de l’homme qui le lui présente, commande à celui-ci une sévère attention dans le choix de la matière. Mais tu n’as fait aucune de ces réflexions, et tu m’as offert les premiers fruits que tu as trouvés sous ta main. Aussi n’ai-je pu agréer ton sacrifice.
Les dispositions mauvaises avec lesquelles tu as offert ton sacrifice, me l’ont fait rejeter ; et au contraire la pureté du cœur et le choix exquis des victimes m’ont fait accepter celui de ton frère. Toutefois je ne me hâte pas de punir ton péché, et je ne veux en ce moment que te le remettre sous les yeux, et te donner un bon conseil. Si tu le suis, tu obtiendras ton pardon, et tu éviteras d’affreux malheurs. Quel est donc ce conseil ? tu as péché, et grièvement ; mais je punis moins le crime que l’endurcissement dans le crime, car je suis bon, et je ne veux point la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. (Ez. 18,27) Aussi parce que tu as péché, apaise ton ressentiment, rends le calme à tes pensées, bannis de ton esprit le trouble et l’inquiétude, et arrache ton âme aux flots tumultueux qui menacent de l’engloutir, mais surtout garde-toi de tomber dans un péché plus grave encore, et de te précipiter dans un désespoir irrémédiable. Tu as péché, apaise donc ta colère.
Le Seigneur savait bien que Caïn s’élèverait contre son frère, et c’est pourquoi il s’efforçait de prévenir en lui cette coupable résolution. Car tous les secrets de nos cœurs lui sont connus, et il découvrait les mouvements qui agitaient celui de Caïn. Aussi cherche-t-il à le guérir par de paternels avis, et par un langage plein de condescendance pour ses coupables dispositions. Il n’omet donc nulle tentative qui eût pu ramener Caïn à de meilleurs sentiments ; mais le malheureux repoussa le remède, et se précipita dans l’abîme du fratricide. Tu as péché, lui disait le Seigneur, apaise donc ta colère. Sans doute j’ai rejeté ton sacrifice à cause de tes mauvaises dispositions, et j’ai agréé celui de ton frère par suite de son intention pure et droite ; mais ne pense pas que je veuille pour cela te priver de l’honneur et des privilèges du droit d’aînesse. Apaise ta colère, car quoique j’aie honoré Abel, et reçu ses dons ; tu n’en seras pas moins son aîné, et il te sera soumis. Ainsi, même après ton péché, je maintiens à ton