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tous jusqu’au septième. Au jour de la résurrection, duquel des sept sera-t-elle femme ? car tous l’ont eue pour épouse. Mais Jésus-Christ leur répondit : Vous êtes dans l’erreur, ne sachant ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. Car au jour de la résurrection les hommes n’auront point de femmes, ni les femmes de maris ; mais ils seront comme les anges. (Mt. 22,25-30) Comprenez-vous maintenant que ceux qui, par amour pour Jésus-Christ, embrassent la sainte virginité, mènent sur la terre et dans un corps mortel la vie des anges ? Mais plus cet état est grand et élevé, et plus brillantes sont les couronnes, plus magnifiques les récompenses et plus abondants les biens qui sont promis à tous ceux qui joignent à la chasteté la pratique des autres vertus.
Or, Adam connut son épouse qui conçut et enfanta Caïn. Le péché était entré dans le monde par la désobéissance de nos premiers parents, et l’arrêt divin les avait soumis à la mort. C’est pourquoi le Seigneur, qui veillait à la conservation du genre humain, permit qu’il se propageât par l’union de l’homme et de la femme. Et Eve dit : J’ai possédé un homme par la grâce de Dieu. Voyez-vous comme le châtiment infligé à la femme l’a rendue meilleure et plus réservée ? Car elle n’attribue point aux seules lois de la nature la naissance de cet enfant ; mais elle la rapporte à Dieu et lui en fait hommage. Ainsi le châtiment a été pour elfe une utile leçon. Car J’ai possédé un homme, dit-elle, par la grâce de Dieu, et je le tiens plutôt de sa bonté que de la nature.
Et de nouveau elle enfanta Abel, son frère. La naissance de ce second fils fut la récompense de sa vive reconnaissance pour celle du premier. Car c’est ainsi que le Seigneur nous traite ; et quand nous le remercions d’un premier bienfait, il paie nos hommages par de nouvelles faveurs. Eve devint donc mère une seconde fois, parce que dans la première elle avait reconnu la main du Seigneur. Or, cette fécondité, depuis que le péché l’avait soumise à la mort, lui était une bien grande consolation. Aussi Dieu voulut-il dès le principe diminuer pour nos premiers parents la sévérité du châtiment, et comme effacer l’image de la mort sous le tableau de générations nouvelles. Et, en effet, ces générations qui se succèdent les unes aux autres, sont un emblème de l’immortalité. Et Abel, dit l’Écriture, fut pasteur de brebis, et Caïn laboureur. Nous apprenons ainsi que chacun des deux frères exerça un art différent ; l’un embrassa la vie pastorale, et l’autre s’adonna à l’agriculture.
Mais il arriva, longtemps après, que Caïn offrit au Seigneur un sacrifice des fruits de la terre. (Gen. 4,3) Observez ici quelles lumières le Créateur avait répandues dans la conscience de l’homme. Car qui avait révélé à Caïn la notion du sacrifice ? La voix de sa conscience ; il offrit donc au Seigneur un sacrifice des productions de la terre, parce qu’il ne pouvait méconnaître qu’il devait lui faire hommage des fruits de son travail. Ce n’est pas que Dieu eût besoin de ses sacrifices ; mais il convenait que, recevant ses bienfaits, il lui témoignât sa reconnaissance. Et en effet, Dieu, qui se suffit à lui-même et qui ne réclame rien de nous, veut bien, dans son extrême bonté, s’abaisser jusqu’à notre pauvreté, et permettre par intérêt pour notre salut, que la connaissance de ses attributs nous soit une école de vertus.
Et Abel offrit aussi les premiers-nés de son troupeau. Ce n’est pas sans raison que dans notre précédent entretien je vous disais que Dieu, qui ne fait acception de personne, sonde les volontés et récompense l’intention du cœur. Cette remarque trouve ici sa juste application. C’est pourquoi ce passage de la Genèse mérite un profond examen, et il convient de s’y arrêter sérieusement pour bien comprendre ce qui est dit de Caïn et d’Abel. Car il n’y a rien d’inutile dans l’Écriture, et une syllabe, une lettre même recèle un riche trésor, puisqu’on peut toujours en tirer un sens moral. Or que nous dit-elle ? Et il arriva, longtemps après, que Caïn offrit au Seigneur un sacrifice des fruits de la terre, et Abel offrit aussi les premiers-nés de son troupeau et les plus gras.
5. Un esprit pénétrant comprend à la simple lecture le sens de ce passage. Mais je me dois à tous, et la doctrine évangélique s’adresse également à tous ; je vais donc entrer dans quelques explications, afin que vous en soyez mieux instruits. Caïn, dit l’Écriture, offrit au Seigneur un sacrifice des fruits de la terre. Quant à Abel il choisit pour matière du sien les productions de l’art pastoral. Et il offrit les premiers-nés de son troupeau et les plus gras. Déjà ces seuls mots nous montrent toute la piété d’Abel, car il n’offre pas seulement quelques brebis prises au hasard dans son troupeau, mais les premiers-nés, c’est-à-dire les plus beaux et les plus précieux ; et même parmi ceux-ci les