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dit l’Apôtre, ce qu’ils devaient faire, et qu’ils n’ont point voulu suivre ses prescriptions. Aussi seront-ils, pour les mêmes péchés, punis plus sévèrement que les infidèles.

Mais expliquons le passage qui vient d’être lu. Et Adam donna à sa femme le nom d’Eve, qui signifie vie, parce qu’elle est la mère de tous les vivants. Observez ici le soin que prend, l’écrivain sacré de nous transmettre ces détails. Nous apprenons ainsi qu’Adam donna un nom à son épouse, et qu’il l’appela Eve, c’est-à-dire vie, parce qu’elle est la mère de tous les vivants. Elle est en effet la tige du genre humain et comme la racine et le principe de toutes les générations. Mais après nous avoir instruit de quelle manière Adam donna un nom à son épouse, Moïse nous fait connaître de nouveau la bonté de Dieu qui n’abandonna pas ses créatures dans la honteuse nudité où elles s’étaient plongées. Et le Seigneur Dieu, dit-il, fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau, et il les en revêtit. Le Seigneur agit alors comme un bon père se conduit envers un enfant prodigue. Ce fils de famille était doué d’un bon naturel et avait été élevé avec soin. Il jouissait dans la maison paternelle d’une riche abondance, portait des vêtements de soie, et avait à sa disposition un opulent patrimoine. Mais voilà que l’excès même de la prospérité le précipite dans le mal ; et alors son père lui retranche tous ces divers avantages, le retient de plus près sous sa dépendance, et remplace ses somptueux vêtements par un habit simple et commun qui cache seulement sa nudité. C’est ainsi qu’Adam et Eve s’étant rendus indignes de cette gloire brillante qui les couvrait et qui les affranchissait de tous les besoins du corps, Dieu leur retira cet éclat ainsi que la possession de tous les biens dont ils jouissaient avant cette épouvantable chute. Cependant, il eut compassion d’une si grande infortune, et les voyant honteux d’une nudité qu’ils ne pouvaient ni couvrir, ni cacher, il fit des tuniques de peau et les en revêtit.

Voilà donc où aboutissent les artifices du démon. Dès que nous prêtons l’oreille à ses suggestions, il nous séduit par l’amour de quelque plaisir passager, et nous entraîne dans l’abîme du péché. Puis il nous abandonne, tout couverts de honte et de confusion, à la pitié et aux regards de tous. Mais le Seigneur, qui s’intéresse toujours au salut de nos âmes, ne détourna point ses yeux du triste état où nos premiers parents étaient réduits, et il leur donna un vêtement dont la simplicité seule était un souvenir de leur chute. Et le Seigneur Dieu fit donc à Adam et à son épouse des tuniques de peau, et il les en revêtit. Observez ici, je vous le demande, avec quelle condescendance l’Écriture se proportionne à notre faiblesse. Mais, je l’ai dit, et je le répète, il faut toujours lui donner un sens digne de Dieu. Ainsi ce mot : Dieu fit des tuniques, doit être pris dans ce sens qu’il commanda que ces tuniques existassent ; et il voulut que nos premiers parents s’en couvrissent, afin que ce vêtement leur rappelât sans cesse leur désobéissance.

2. Écoutez, ô riches ! ô vous qui vous enorgueillissez du travail des vers à soie, et qui vous parez des plus superbes étoffes ! écoutez cette leçon de modestie que le Seigneur nous a donnée dès les premiers jours de la création. L’homme avait mérité la mort par son péché, et il avait besoin d’un vêtement pour cacher sa nudité ; et voilà que Dieu se borne à le revêtir d’une tunique de peau. Il voulut ainsi nous apprendre à fuir une vie molle et voluptueuse, et à embrasser de préférence une vie dure et austère. Mais peut-être les riches, rebutés de cette morale sévère, me diront-ils : Eh quoi ! voulez-vous que nous nous habillions de peaux de bêtes ? Je ne dis point cela ; et nos premiers parents eux-mêmes n’ont pas toujours porté cette sorte de vêtements, car la bonté divine ne cesse jamais de se montrer généreuse et bienfaisante. C’est ainsi que du jour où Adam et Eve furent soumis aux besoins de la nature, et qu’ils perdirent cette douce et angélique existence dans laquelle ils avaient été créés, le Seigneur leur permit de tisser la laine pour s’en faire des vêtements. Il convenait en effet que l’homme, être raisonnable, fût vêtu, et qu’il ne vécût point, comme un animal, dans la honte et la nudité. Nos habits nous rappellent donc les biens que nous avons perdus, et le châtiment que, par leur désobéissance, Adam et Eve, ont attiré sur tout le genre humain.

Mais comment excuser ce luxe effréné qui rejette l’usage de la laine, pour ne porter que de la soie, et qui même pousse l’extravagance jusqu’à la rehausser de broderies d’or. Ce sont principalement les femmes qui s’adonnent à ces vanités ; et moi, je leur dis : pourquoi parer ainsi votre corps ? et pourquoi vous enorgueillir