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DIX-HUITIÈME HOMÉLIE.


« Et Adam donna à sa femme le nom d’Eve, parce qu’elle est la mère de tous les vivants. Et le Seigneur Dieu fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau, et il les en revêtit ; et il dit : Voici Adam devenu comme l’un de nous. » (Gen. 3,20-22)

ANALYSE.

1. Saint Chrysostome rappelle d’abord que la punition de nos premiers parents doit nous rendre attentifs et vigilants à éviter le péché, puis il explique pourquoi Adam donna à son épouse le nom d’Eve. — 2.-3. Les habits de peaux dont le Seigneur les revêtit, attestent sa bonté, et nous avertissent d’éviter le luxe et la somptuosité des vêtements. — L’orateur prend l’occasion d’une sévère leçon aux riches, puis il explique, comme un ironique accomplissement des promesses du démon, cette parole : « Voilà qu’Adam est comme l’un de nous. » Ce fut aussi par un effet de miséricorde que Dieu chassa Adam du paradis terrestre, avant qu’il eût mangé du fruit de l’arbre de vie ; parce que l’immortalité l’eût conduit toujours à pécher. — Il l’obligea aussi à demeurer vis-à-vis du paradis terrestre, afin que la vue de ce lieu lui rappelât sa faute, et il l’assujettit à un dur travail pour qu’il ne s’attachât pas trop à la vie. — 4. Au sujet de ces mots : « Adam connut son épouse », saint Chrysostome fait observer que la virginité fut le premier état d’Adam et d’Eve, et il en relève l’excellence. — 5. Il dit ensuite que si Dieu agréa les présents d’Abel, et rejeta ceux de Caïn, ce fut par suite de leurs dispositions intérieures, et il s’étend longuement sur la bonté avec laquelle le Seigneur parla à Caïn et chercha à lui inspirer de meilleurs sentiments. — 6. Il termine enfin par quelques mots sur le soin que nous devons avoir de fuir le péché dans lequel tomba Caïn.

1. Hier, vous avez pu apprécier l’indulgence du juge supérieur, et la bienveillance de ses paroles. Vous avez vu également la diversité des châtiments infligés aux coupables. Ainsi le tentateur a été puni tout autrement que ceux qu’il avait séduits ; et la miséricorde divine a éclaté éminemment même dans la sentence rendue contre nos premiers parents. Il nous a donc été utile d’assister à ce solennel jugement, et d’en suivre tous les détails. Car nous avons connu de quels biens Adam et Eve se sont eux-mêmes privés par leur désobéissance ; et nous avons appris comment le péché les a dépouillés d’une gloire toute céleste et d’une existence tout angélique. Enfin, nous avons admiré la patience du Seigneur, et nous avons compris quel grand mal est la faiblesse puisqu’elle a entraîné pour l’homme la perte de si précieux avantages, et l’a plongé dans une humiliante dégradation. C’est pourquoi je vous en supplie, veillons sur nous-mêmes, afin que cette chute nous soit un salutaire avertissement, et que ce châtiment nous retienne dans une sage défiance. Nous serons en effet punis très-sévèrement, si ce terrible exemple ne nous détourne pas d’offenser Dieu. Car tout péché de rechute mérite d’être châtié plus rigoureusement. C’est ce que nous apprend l’illustre docteur des nations, le bienheureux Paul, quand il nous dit que tous ceux qui ont péché sans la loi, périront sans la loi, et que tous ceux qui ont péché sous la loi, seront jugés par la loi. (Rom. 2,12) Le sens de ce passage est que ceux qui ont péché avant la loi évangélique seront traités avec plus d’indulgence que nous qui vivons sous cette loi, et qui mériterons un plus rigoureux châtiment parce que nous péchons après l’avoir reçue. Car tous ceux qui ont péché sans la loi, périront sans la loi ; et ce leur sera un avantage par rapport au châtiment de n’avoir reçu ni la connaissance, ni les secours de la loi… Mais tous ceux qui ont péché sous la loi, seront jugés par la loi ; parce qu’elle leur enseignait,