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mais si nous les méditons avec soin, ils seront salutaires à notre âme. Écoutons donc Adam qui dit à Dieu : La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté le fruit, et j’en ai mangé. Ainsi il reconnaît qu’il n’y a eu, à son égard, ni contrainte, ni violence, et qu’il a agi volontairement, et avec une entière liberté. Eve lui a seulement présenté le fruit, et elle n’a exercé sur lui aucune pression, ni aucune violence. Et de même celle-ci ne dit point, pour s’excuser, que le serpent l’a portée à manger malgré elle du fruit défendu. Elle se borne à dire : le serpent m’a trompée. Or il dépendait d’elle de repousser la séduction comme d’y succomber : le serpent m’a trompée, dit-elle. Il est donc vrai que l’ennemi de notre salut, parlant par l’organe de ce maudit animal, donna un conseil funeste, et trompa la femme. Mais il ne la violenta point et ne la contraignit point : il usa seulement de fraude pour accomplir ses pernicieux desseins, et s’il s’adressa de préférence à la femme, c’est qu’il la crut plus susceptible de se laisser séduire et de commettre une faute irrémissible.
Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé du fruit. Voyez combien le Seigneur est bon. Il se contente de ce seul aveu, et il ne presse ni Adam ni Eve de nouvelles questions. Et certes, quand il les interrogeait, ce n’était point qu’il ignorât leur crime : il le connaissait et en savait toutes les circonstances ; aussi ne s’abaissait-il jusqu’à entrer en discussion avec eux, qu’afin de faire mieux éclater sa miséricorde, et les engager à un humble et sincère aveu ; c’est pourquoi il ne leur adresse point de nouvelles questions. Sans doute il convenait que Dieu nous fît connaître le genre de séduction qui avait été présenté à nos premiers parents ; mais pour montrer qu’il ne les interrogeait point par ignorance du fait, il se contente d’une première réponse. Et, en effet, en disant que le serpent l’avait trompée, et qu’elle avait mangé du fruit défendu, la femme laissait facilement deviner la fatale espérance dont le démon l’avait flattée par l’organe du serpent, en lui promettant qu’ils deviendraient des dieux.
Avez-vous bien observé avec quel soin le Seigneur interroge Adam, et avec quelle indulgence il traite la femme ? Avez-vous également remarqué la manière dont ils se justifient ? Appréciez donc maintenant l’ineffable miséricorde de ce Juge suprême. La femme a dit : Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé du fruit défendu ; et cependant le Seigneur ne daigna point interroger cet animal, ni lui donner lieu de se défendre. Il ne lui adressa aucune question, ainsi qu’il l’avait fait à l’homme et à la femme ; mais dès que ceux-ci eurent présenté leur justification, il déchargea toute sa colère sur le serpent, comme sur l’auteur du péché. Car le Seigneur, aux yeux duquel rien n’est caché, n’ignorait point que le serpent avait été l’instrument du piège où la noire jalousie du démon avait fait tomber nos premiers parents. Voyez donc comme il use envers ceux-ci de miséricorde et de bonté. Il savait tout, et cependant il dit à Adam : Où es-tu ? et qui t’a appris que tu étais nu ? Il dit également à Eve : Pourquoi as-tu fait cela ? Mais il tient au serpent un langage bien différent : Et le Seigneur Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela. Voyez-vous la différence ? Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? Et, au serpent : Parce que tu as fait cela. Oui, parce que tu t’es prêté à ce crime, et que tu as insinué ce perfide conseil ; parce que tu as favorisé la jalousie du démon, et que tu as secondé sa malice contre ma créature, tu es maudit entre tous les animaux et toutes les bêtes de la terre ; tu ramperas sur le ventre, et tu mangeras la poussière durant tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne. Elle t’écrasera la tête, et tu la blesseras insidieusement au talon. (Gen. 3,14-15)
6. Remarquez, je vous prie, l’ordre et l’arrangement de ce passage, et vous y trouverez à l’égard de l’homme un précieux témoignage de la bonté divine. Le Seigneur interrogea d’abord Adam, et puis Eve ; et quand celle-ci eut désigné son séducteur, il dédaigna d’en écouter la défense, et fulmina contre lui un châtiment qui durera autant que sa vie. Désormais donc la vue seule du serpent rappellera aux hommes qu’ils doivent repousser ses perfides conseils et éviter ses trompeuses embûches. Mais peut-être demanderez-vous pourquoi le serpent est puni, tandis qu’il n’a été que l’instrument du démon qui seul a causé tout ce désastre ? Ici encore éclate l’ineffable bonté du Seigneur. Car, de même qu’un, bon père, non content de poursuivre le meurtrier de son fils, brise et met en pièces le glaive ou le poignard qui a servi au crime, le Seigneur punit le serpent qui a été l’instrument de la malice du démon, et veut que la vue de ce châtiment proclame