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veuilles éviter celui qui t’a comblé des plus grands bienfaits et qui t’a élevé à tant d’honneur ? et que crains-tu, pour chercher ainsi à te cacher ? est-ce qu’un accusateur te poursuit, et que des témoins te confondent ? enfin, d’où vient cette crainte et cette terreur ?
Mais Adam répondit : J’ai entendu votre voix dans le jardina, et, comme j’étais nu, j’ai été saisi de crainte, et je me suis caché. (Gen. 3,10) Alors Dieu lui dit : Eh ! qui t’a appris que tu étais nu ? quel est ce langage nouveau et inouï ? et qui t’eût fait connaître ton état, si toi-même n’étais l’auteur de cette ignominie ? tu as donc mangé du fruit du seul arbre dont je t’avais défendu de manger. – Voyez-vous quelle est la bonté et la patience du Seigneur ? Il pouvait, sans adresser une seule parole à ce grand coupable, le punir sur-le-champ comme il l’en avait menacé ; mais il agit patiemment, il l’interroge, et il écoute sa réponse. Bien plus, il l’interroge une seconde fois, comme pour lui faciliter une défense qui lui permettrait d’user envers lui de clémence et de miséricorde. Grande leçon ! qui apprend aux juges que dans l’exercice de leurs fonctions, ils ne doivent ni parler inhumainement aux coupables, ni les traiter avec une cruauté qui ne convient qu’à des bêtes féroces. Il faut alors leur témoigner quelque indulgence et quelque bonté, et en prononçant sur leur sort, ne pas oublier qu’ils sont nos frères. Cette pensée que notre origine est commune attendrira nos cœurs et adoucira les rigueurs de la justice. Ce n’est donc point sans motif que la sainte, Écriture se proportionne ici à notre faiblesse, et emploie ce langage simple et familier. Elle nous invite à imiter, selon nos forces, l’ineffable bonté du Seigneur.
4. Et le Seigneur dit d Adam : qui t’a appris que tu, étais nu, si ce n’est que tu as mangé du fruit du seul arbre dont je t’avais défendu de manger ? Oui, comment aurais-tu connu ta nudité, et serais-tu saisi de honte, si par intempérance, tu n’avais transgressé mon commandement ? Appréciez, mon cher frère, toute l’excellence de la bonté divine. Le Seigneur parle à Adam comme à un ami, et il traite ce grand coupable avec une douce familiarité Qui t’a appris que tu étais nu, si ce n’est que tu as mangé du fruit du seul arbre dont je t’avais défendu de manger  ? Observons aussi l’emphase, et l’ironie secrète de cette expression : le fruit du seul arbre, c’est comme s’il lui eût dit : est-ce que je t’avais étroitement restreint l’usage des fruits de ce jardin ? ne t’avais-je pas au contraire placé au sein d’une riche abondance ? et ne t’avais-je pas abandonné tous les fruits du paradis terrestre, à l’exception d’un seul ? Cette défense n’avait pour but que de te rappeler que tu avais un Maître, et que tu devais lui obéir. Elle est donc insatiable cette intempérance, qui, peu satisfaite de tant de biens, ne s’est point abstenue de ce seul fruit ? Et comment as-tu pu courir à une désobéissance qui devait te précipiter dans un tel abîme de maux ? que te revient-il maintenant de ton péché ? Ne vous ai-je pas avertis l’un et l’autre, et n’ai-je pas voulu vous retenir par la crainte du châtiment ? Je vous ai prédit toutes les suites de votre péché, et je vous avais fait cette défense pour vous prémunir contre l’esprit séducteur. Et aujourd’hui, une si noire ingratitude ne rend-elle pas votre faute irrémissible ? Comme un bon père instruit un fils chéri, je vous ai clairement précisé mes ordres ; et en vous permettant l’usage de tous les autres fruits, j’ai formellement excepté celui-là, afin que vous puissiez conserver tous les biens dont je vous avais comblés. Mais vous avez cru le conseil d’un autre meilleur et plus respectable que mon commandement. C’est pourquoi vous l’avez méprisé, et vous avez mangé du fruit défendu. Eh bien ! que vous est-il arrivé ? Aujourd’hui une dure expérience vous révèle toute la malice de ce pernicieux conseil.
Voyez-vous la clémence du juge, sa douceur et sa patience inaltérable ? Entendez-vous ce langage si plein de condescendance, et si élevé au-dessus de nos idées et de nos pensées ? Enfin comprenez-vous comment le Seigneur ouvre à l’homme pécheur la porte du repentir, en lui disant : Qui t’a appris que tu étais nu, si ce n’est que tu as mangé du fruit du seul arbre dont je t’avais défendu de manger ? N’était-ce pas lui déclarer que, malgré sa grave désobéissance, il était encore prêt à lui pardonner. Mais écoutons la réponse du coupable. Et Adam dit : la femme que vous m’avez