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qu’il ne peut éviter la présence de Dieu, et cependant il essaye de s’y soustraire.
La conduite de nos premiers parents eut aussi pour principe la honte qui les saisit, lorsque le péché les eut dépouillés de leur glorieuse immortalité. C’est ce que prouve le choix même de leur retraite, puisqu’ils se cachèrent parmi les arbres du paradis terrestre. Les serviteurs fripons ou paresseux cherchent, sous l’impression de la crainte et du châtiment, à se cacher dans tous les coins de la maison, quoiqu’ils sachent bien qu’ils n’éviteront point l’œil d’un maître irrité. Et de même Adam et Eve, ne sachant où se réfugier, couraient çà et là dans le paradis terrestre. Ce n’est pas non plus sans raison que l’Écriture désigne l’heure : Ils entendirent, dit-elle, la voix du Seigneur Dieu qui s’avançait dans le jardin, après le milieu du jour. Elle veut ainsi nous faire connaître l’extrême bonté du Seigneur. Il ne différa donc pas un seul moment à secourir l’homme pécheur, et, dès qu’il le vit tombé, il se hâta d’accourir ; du premier coup d’œil il sonda toute la profondeur de sa blessure, et pour en prévenir les suites et les progrès, il s’empressa d’y porter un bienfaisant appareil. C’est ainsi que sa bonté ne lui permit pas de laisser, même un seul instant, l’homme privé de tout secours.
L’ennemi de notre salut avait donné un libre cours à sa rage ; et parce qu’il enviait à l’homme les biens qu’il possédait, il lui avait tendu des pièges pour le faire déchoir de cet heureux état. Mais le Seigneur, dont la providence et la sagesse règlent nos destinées, a vu et la malignité du démon et la faiblesse de l’homme c’est cette faiblesse qui fit céder celui-ci aux insinuations de son épouse et tomber dans le honteux abîme du péché. Aussi le Seigneur paraît-il soudain, et, comme un juge bon et indulgent, il s’assoit sur son tribunal, qu’environnent la crainte et l’horreur, et il instruit l’affaire avec la plus grande attention. Il nous apprend ainsi à ne point condamner nos frères sans avoir bien examiné leur conduite.
3. Écoutons donc, s’il vous plaît, ce solennel interrogatoire les demandes du Juge et les réponses des coupables, la sentence qui les frappe, et la condamnation du tentateur qui leur a tendu ces perfides embûches. Mais apportez ici toute votre attention, et frémissez en assistant à ce jugement. Lorsqu’un juge mortel se place sur son tribunal, cite devant lui les coupables et les soumet à la torture, un frisson dé terreur saisit les spectateurs. Tous veulent entendre les demandes du juge et les réponses des accusés. Quelles seront donc nos pensées, lorsqu’en notre présence, le Dieu, créateur de l’univers, va entrer en jugement avec ses créatures ! Et toutefois vous observerez combien, même ici, la clémence divine l’emporte sur la sévérité des juges de la terre.
Le Seigneur Dieu appela donc Adam, et lui dit : Adam, où es-tu? Dans cette interrogation elle-même, nous trouvons une marque étonnante de la suprême bonté de Dieu ; non seulement il appelle Adam, mais il l’appelle lui-même, en personne : or c’est ce que dédaignent de faire les juges de la terre pour les coupables qui sont hommes comme eux et de la même nature qu’eux. Vous savez en effet que lorsqu’assis sur leur tribunal, nos juges font rendre compte aux malfaiteurs de leur conduite, ils ne leur adressent pas directement la parole, mais qu’ils se servent d’un intermédiaire qui communique à l’accusé les questions du jugé et au juge les réponses de l’accusé ; on en use ainsi à peu près partout pour faire sentir aux malfaiteurs jusqu’à quel point ils se sont dégradés en commettant le, crime. Dieu n’agit pas de même, il interroge directement : Le Seigneur Dieu appela donc Adam et lui dit Adam, où es-tu ? Ces quelques mots renferment une grande énergie de pensées. Car d’abord c’était en Dieu une immense et ineffable bonté quo d’appeler lui-même ce grand coupable qui rougissait de honte, et qui n’osait ni ouvrir la bouche, ni : articuler une seule parole. Oui, l’interroger, et lui donner ainsi l’occasion d’implorer son pardon, atteste une infinie miséricorde. Adam, où es-tu ? Oh ! que cette seule question est à la fois pleine de force et de douceur ! C’est comme si Dieu lui eût dit : Qu’est-il donc arrivé ? Je t’avais laissé dans un état, et je te retrouve dans un autre. Je t’avais laissé revêtu de gloire, et je te retrouve dans une honteuse nudité. Adam, où es-tu ? quelle est donc la cause de ton malheur ? et qui t’a plongé dans cet abîme de maux ? quel est le scélérat ou le voleur qui t’a enlevé tous tes biens, et qui t’a réduit à cette extrême indigence ? qui t’a fait connaître la nudité, et qui t’a dépouillé de ce splendide vêtement dont je t’avais revêtu ? quel changement subit ! et quelle tempête a soudain englouti toutes tes richesses ? qu’as-tu donc fait, que tu