Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/105

Cette page n’a pas encore été corrigée

devons considérer avec quelle condescendance l’Écriture se proportionne à notre faiblesse, et donner à ces paroles un sens digne de Dieu et de notre salut. Et, en effet, ces paroles prises à la lettre seraient indignes de Dieu, et n’offriraient-elles pas, je vous le demande, un sens absurde ? Car que lisons-nous dans ce passage de la Genèse ? Ils entendirent la voix du Seigneur, qui s’avançait dans le jardin, après le milieu du jour, et ils se cachèrent. Que dites-vous, ô Moïse ? est-ce que Dieu marche ? croirons-nous qu’il ait des pieds, et n’aurons-nous de lui aucune idée plus sublime ? mais comment marcherait Celui qui remplit l’univers de sa présence ? et comment Celui dont le ciel est le trône et la terre le marchepied serait-il renfermé dans l’espace d’un jardin ? Il faudrait être insensé pour le dire. Que signifient donc ces paroles : Ils entendirent la voix du Seigneur, qui s’avançait dans le jardin, vers le milieu du jour ? Elles nous apprennent que le Seigneur voulut leur faire sentir leur faute en les amenant à une extrême angoisse d’esprit et de cœur. C’est ce qui arriva ; car ils furent tellement saisis de honte, qu’à l’approche de Dieu ils se cachèrent. Ils avaient donc, à la suite de leur péché et de leur désobéissance, connu le remords et la confusion.
Et, en effet, ce juge incorruptible, que nous nommons la conscience, se soulève contre l’homme et l’accuse à haute voix ; il lui met ses péchés devant les yeux et lui en représente toute la grièveté. Voilà pourquoi Dieu, en créant l’homme, établit au dedans de lui-même ce censeur qui ne se tait jamais et qu’on ne saurait tromper. Sans doute, on peut dérober ses fautes et ses crimes à la connaissance des hommes, mais il est impossible de les cacher à la conscience ; et, en quelque lieu que se transporte le coupable, il porte en lui-même cette conscience qui l’accuse, le trouble, le déchiré et ne se repose jamais. Elle s’attaque à lui dans l’intimité du foyer domestique, sur le forum et dans les réunions publiques, et le poursuit durant les festins, pendant son sommeil et à son réveil. Elle ne cesse ainsi de lui demander compte de ses fautes, et de lui en remettre sous les yeux la grièveté et le châtiment. Tel, un charitable médecin se rend assidu auprès d’un malade, et, malgré ses rebuts, persiste à lui offrir ses remèdes et ses bons offices.
2. Au reste, le principal devoir de la conscience est de nous rappeler nos fautes et de protester contre leur coupable oubli ; elle nous en présente donc le tableau, ne serait-ce que pour nous retenir et nous empêcher d’y retomber. Et cependant, malgré l’appui et le secours de la conscience, et malgré ses reproches violents et les remords qui déchirent notre tueur, et qui sont pour notre âme autant de cruels bourreaux, la plupart des hommes ne peuvent vaincre leurs passions ; aussi dans quel abîme ne tomberions-nous pas, si elle n’existait point ? Ce furent donc les reproches de la conscience qui révélèrent à nos premiers parents l’approche du Seigneur ; et soudain ils se cachèrent. Pourquoi le firent-ils ? je vous le demande. Parce que la conscience, comme un accusateur sévère, leur reprochait leur crime. Et en effet, ils n’avaient d’autre censeur, ni d’autre témoin de leur péché que celui qu’ils portaient en eux-mêmes ; toutefois aux reproches de la conscience se joignait encore la privation de la gloire qui les revêtait. Ainsi, le sentiment de leur nudité les avertissait de là grièveté de leur faute, et, parce qu’ils furent saisis de honte à la suite de leur grave désobéissance, ils tentèrent de se cacher. Ils entendirent, dit l’Écriture, la voix du Seigneur Dieu, qui s’avançait dans le jardin, après le milieu du jour ; et Adam et son épouse se cachèrent parmi les arbres du paradis, pour éviter la présence de Dieu.
Rien n’est donc plus funeste que le péché, mes très-chers frères, car, dès que l’homme le commet, il le remplit de confusion, et il rend insensés ceux qui brillaient auparavant par la solidité du jugement. Eh ! voyez Adam ! c’est la conduite d’un insensé ; et cependant il était doué du don de prophétie et de cette haute sagesse qui avait éclaté dans ses œuvres. Mais il entend la voix du Seigneur qui s’avançait dans le jardin, et il se cache, ainsi que son épouse, parmi les arbres du paradis, pour éviter la présence de Dieu. N’est-ce pas là un trait véritable de folie ? Quoi ! Dieu est présent partout, il a tiré du néant toutes les créatures, et nulle n’est cachée à ses yeux ; il a formé le cœur de l’homme, et il en connaît toutes les secrètes affections ; il scrute les reins et les cœurs, et il pénètre jusqu’aux plus intimes pensées de l’âme. Et voilà celui aux regards duquel Adam et Eve tentent de se cacher. Mais ne vous en étonnez point, mon cher frère telle est la méthode du pécheur. Il sait bien