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TROISIÈME HOMÉLIE.

A ceux qui critiquaient la longueur de ses exordes ; – Qu’il est utile de supporter patiemment les réprimandes ; – Pourquoi le nom de saint Paul ne fut pas changé tout de suite après sa conversion ; – Que ce changement ne se fit pas de nécessité mais en conséquence d’une libre volonté, et sur ce mot ; – Saul ! Saul ! pourquoi me persécutes-tu ! »(Act. 9, 4)

ANALYSE.


1°-2° On avait reproché à saint Chrysostome, et non sans raison peut-être, de faire de trop longs exordes. Ce reproche devient ici l’occasion d’un exorde encore beaucoup plus long que les autres, dans lequel le facile et brillant orateur développe ces pensées : que les blessures que font les amis sont moins dangereuses que les baisers empressés des ennemis ; que les remontrances sont avantageuses à ceux qui les reçoivent comme à ceux qui les font, et qu’il est beau de savoir les accueillir ; chemin faisant et pour prouver ce qu’il avance, il nous donne un admirable, quoiqu’un peu verbeux commentaire de ce passage de l’exorde où Moise, averti par Jéthro, son beau-père, choisit des hommes sages et éclairés pour l’aider à juger tous les différends du peuple d’Israël. – 3° L’orateur donne plusieurs raisons de la longueur de ses exordes. Il résume sa précédente instruction. Pourquoi le nom de l’apôtre saint Paul fut-il changé ? pourquoi ne le fut-il pas sur-le-champ après sa conversion ? – 4° Commentaire de ces paroles : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?, etc., jusqu’à : Je suis Jésus que tu persécutes. – 5°-6° La conversion de saint Paul fut libre.
1. Le proche nous a été adressé, par quelques-uns de nos bien-aimés frères, d’être long dans nos exordes. Si ce reproche est mérité ou non, vous en déciderez après nous avoir entendu à notre tour ; c’est à votre impartiale sentence que je remets le jugement de cette affaire. Avant que je me justifie, je dois dire à ceux qui font ces critiques que je leur en sais gré, car elles leur sont inspirées par un intérêt bienveillant, et nullement par la malignité. Et celui qui m’aime, ce n’est pas seulement lorsqu’il me loue, mais aussi lorsqu’il me critique pour me corriger, que je tiens à lui exprimer réciproquement mon amitié. Louer indistinctement et ce qui est bien et ce qui est mal, ce n’est pas le fait d’un ami, mais d’un trompeur et d’un moqueur ; louer ce qui est convenable et blâmer ce qui ne l’est pas, c’est faire l’office d’un ami, d’un homme qui nous porte intérêt. Et, pour preuve que les louanges et les compliments prodigués à tort et à travers ne sont pas le signe d’une sincère amitié, mais bien de la fourberie, je vous citerai cette parole d’Isaïe : Mon peuple, ceux qui vous félicitent vous séduisent, et ils rompent le chemin par où vous devez marcher. (Isa. 3, 12) Je repousse donc les louanges mêmes d’un ennemi ; mais le blâme d’un ami, j’en ferai toujours le plus grand cas. Les baisers de l’un me sont déplaisants, les blessures de l’autre me font plaisir ; je me défie de celui-là lorsqu’il me baise, et je sens l’intérêt que me porte celui-ci jusque dans les blessures qu’il me fait. Oui, dit le Sage, il y a plus à se fier aux blessures d’un ami qu’aux baisers empressés d’un ennemi. (Prov. 27, 6) Que dites-vous, homme sage ? Des blessures meilleures que des baisers ! Oui, dit-il, car je fais attention non à la nature des actes, mais à l’intention de ceux qui les font.
Voulez-vous que je vous montre que les blessures d’un ami sont moins à craindre que les baisers empressés d’un ennemi ? Judas baisa le Seigneur, mais son baiser était plein de trahison : il y avait du venin dans sa bouche, sa langue était remplie de malice ; Paul, au contraire, frappa l’incestueux de Corinthe, et il le guérit. Et comment le frappa-t-il ? en le livrant à Satan : Livrez, dit-il, cet homme à Satan pour la mort de sa chair. Pourquoi ? Afin que son esprit soit sauf aie jour du Seigneur Jésus.