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on redoute pour toi l’entraînement de l’orgueil.
Saint Paul dit aussi : Le premier homme fut Adam, tiré de la terre et terrestre; c’est comme interprétation du mot Adam qu’il ajoute : tiré de la terre et terrestre. Le second homme est le Seigneur descendu du ciel. O hérétique, tu entends l’Apôtre dire que le Seigneur est le second homme, et tu prétends qu’il n’a point pris de chair ! Se peut-il une impudence semblable ? Est-il homme celui qui n’a pas de chair ? Si l’Apôtre appelle le Seigneur homme et même second homme, le définissant par la nature et par le nombre, c’est afin de te montrer doublement sa parenté avec nous. Quel est donc le second homme ? Le Seigneur qui est du ciel. Mais, dit l’hérétique, voilà précisément ce qui me scandalise, c’est cette parole qui est du ciel. – Mais lorsque tu entends dire que le premier homme est terrestre, tirant son origine de la terre, est-ce que tu infères de là qu’il est tout entier terrestre, qu’il n’y a en lui nulle puissance incorporelle ? nies-tu son âme et la spiritualité de son âme ? Qui oserait le dire ? Si donc, lorsqu’on te dit qu’Adam était terrestre, tu ne vas pas t’imaginer pour cela qu’il n’était que corps, qu’il n’avait pas d’âme ; de même, en entendant ces paroles : Le Seigneur qui est du ciel, ne t’avises pas de supprimer le mystère de l’Incarnation à cause de ces mots qui est du ciel.
Voilà le premier nom suffisamment justifié. Adam fut ainsi appelé du nom de sa mère, pour qu’il ne portât point ses prétentions plus haut que son pouvoir, et qu’il ne donnât pas prise à son artificieux ennemi, qui viendrait le tenter en lui disant vous serez comme des dieux. Passons maintenant à quelqu’autre qui ait reçu de Dieu son nom avant sa naissance, et terminons ce discours. Quel est donc le premier après Adam qui ait reçu de Dieu son nom dès le sein de sa mère ? C’est Isaac. Voici, dit le Seigneur à Abraham que Sarra ta femme concevra dans son sein et enfantera un fils, et tu le nommeras Isaac. Or, après qu’elle l’eut mis au monde, elle le nomma Isaac, en disant : Dieu m’a fait un sujet de ris. Pourquoi ? Car qui croirait qu’on dût jamais dire à Abraham que sa femme allaiterait un fils ? (Gen. 18, 19 et 21, 3, 67) Soyez attentifs, il y a ici un mystère. L’Écriture ne dit pas : enfanterait, mais allaiterait ; il ne fallait pas que l’on pût soupçonner le petit enfant d’être supposé. Or, le lait garantissait la vérité de l’enfantement, en sorte qu’Isaac, lui aussi, n’avait qu’à se souvenir de son nom, pour trouver dans le miracle de sa naissance une parfaite instruction. Elle dit : Dieu m’a fait un sujet de ris, parce que c’était une merveille de voir une femme dans un âge avancé et avec des cheveux blancs, allaiter et tenir un enfant à la mamelle. Mais le nom d’Isaac, c’est-à-dire ris, était un souvenir permanent de la grâce de Dieu, et l’allaitement confirmait le prodige de la naissance. La nature n’était pour rien dans cette naissance, la grâce avait tout fait. C’est pourquoi saint Paul dit : comme Isaac nous sommes des enfants de promission. (Gal. 4, 28) La naissance d’Isaac est la figure de celle du chrétien ; d’un côté comme de l’autre, c’est la grâce qui opère ; d’un côté comme de l’autre, de nouveau-né sort d’un sein refroidi et stérile Isaac du sein d’une femme âgée, le chrétien du sein des eaux. L’analogie est visible entre l’une et l’autre naissance, entre l’une et l’autre grâce. Partout la nature est inerte, partout c’est la grâce de Dieu qui opère. Voilà le sens de cette parole : comme Isaac nous sommes des enfants de promission. Reste encore néanmoins un point à éclaircir pour que la comparaison soit complète.
Saint Jean dit (I, 13) que les chrétiens ne naissent pas du sang, ni de la volonté de la chair : en est-il de même d’Isaac ? Oui, car l’Écriture dit : Ce qui arrive d’ordinaire aux femmes avait cessé chez Sarra (Gen. 18, 11) Les sources du sang étaient taries, la matière de la génération disparue, l’énergie de la nature anéantie, et c’est alors que Dieu fait paraître sa vertu. Voilà que nous avons tiré de ce nom d’Isaac toute l’instruction qu’il renferme. Il nous reste à parler d’Abraham, des fils de Zébédée et de Pierre ; mais pour ne pas vous fatiguer par ma longueur, remettant ces objets à un autre entretien, je finirai ici mon discours, en vous exhortant, vous qui êtes nés à la manière d’Isaac, à imiter la douceur d’Isaac, sa modestie et toute sa conduite, afin que, aidés des prières de ce juste et de celles de ces prélats, vous puissiez tous parvenir dans le sein d’Abraham, par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui, soient au Père, gloire, honneur et puissance, ainsi qu’à l’Esprit saint et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.