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facile parcourir : on ne peut guère y passer qu’en se faisant petit, en se resserrant, en se gênant beaucoup.
2. Ce n’est pas une chose oiseuse qui nous occupe, mais une question qui, commencée hier, n’a pu recevoir une solution définitive, tant sont nombreux les points à examiner ! Quelle est-elle ? C’est la question des noms que Dieu a donnés aux saints. Chose qu’on jugera bien simple, à n’écouter que cet exposé, mais bien féconde, si on l’étudie avec soin. Les terrains aurifères que l’on rencontre dans les mines ne présentent aux hommes inexpérimentés et inattentifs qu’une apparence tout ordinaire, et entièrement semblable à celle des autres terrains ; mais ceux dont les regards sont exercés, reconnaissent la qualité de cette terre, et la faisant passer par le feu ils en montrent tout le prix. Il en est de même pour les saintes Écritures : si on ne fait qu’en parcourir les mots, on n’y verra que des mots ordinaires et semblables aux autres ; mais si on les parcourt avec les regards de la foi, avec des yeux exercés, si on les fait passer par le feu du Saint-Esprit, on en découvrira facilement toute la richesse.
Quelle est l’origine première de cette question ? car ce n’est pas sans motif que nous avons entrepris cet examen, et l’on ne saurait nous accuser de pure curiosité, Nous avions hâte de raconter les grandes actions de Paul ; déjà nous touchions au commencement de son histoire, et nous trouvions que la narration commençait ainsi : Saul respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur. (Act. 9, 1) Dès l’abord, nous fûmes troublés de ce changement de nom, car, dans toutes ses épîtres et dans leurs formules initiales il s’appelle non Saul, mais Paul ; et ce n’est pas à lui seul, mais à bien d’autres encore que la même chose est arrivée. Par exemple, Simon s’appelait d’abord Pierre ; les fils de Zébédée, Jacques et Jean, reçurent assez tard le nom de Fils du tonnerre; dans l’Ancien Testament, nous trouvons aussi les noms de quelques personnages changés : ainsi Abraham s’était d’abord nommé Abram, Sarra s’était d’abord nommée Sara, Jacob fut surnommé Israël. Or, il nous a semblé qu’il eût été contraire à la raison de parcourir un champ si fertile sans le creuser. Ne se passe-t-il pas quelque chose d’analogue pour les princes séculiers ? Ceux-ci aussi prennent un double nom ; voyez plutôt : Félix eut pour successeur Porcins Festus ; et encore Quelqu’un se trouvait avec le proconsul Sergius Paulus, et celui qui livra Jésus aux Juifs s’appelait Ponce-Pilate. Mais outre les chefs, les soldats aussi et beaucoup de ceux qui sont restés dans la vie privée ont reçu, en certaines occasions, par suite de certains faits, un double nom. Pour eux, il ne nous sera pas utile de rechercher ce qui leur a fait donner ces noms ; mais quand c’est Dieu qui les donne, il nous faut de tous nos efforts en rechercher la cause.
Car Dieu ne dit ni ne fait rien en vain et sans motif ; il agit en tout avec la sagesse qui lui convient. Pourquoi donc saint Paul était-il appelé Saul, lorsqu’il était persécuteur, et fut-il appelé Paul, lorsqu’il eut reçu la foi ? Quelques-uns disent que lorsqu’il troublait, agitait, bouleversait tout et persécutait l’Église ; il était appelé Saul précisément parce qu’il persécutait l’Église, et que c’est de là qu’il tirait son nom. Quand, au contraire, cette fureur eut cessé, que ce trouble se fut apaisé, que cette guerre eut été terminée, que la persécution eut trouvé sa fin il fut appelé Paul du mot grec qui veut dire cesser (pauomai). Mais cette explication est frivole et fausse, et je ne l’ai rapportée qu’afin que vous ne vous laissiez pas prendre à ces dires qui ne sont fondés sur rien. D’ailleurs, s’il était appelé Sanl parce qu’il persécutait l’Église, il fallait qu’il changeât de nom aussitôt qu’il cessa de persécuter ; or, nous voyons qu’il avait cessé de persécuter l’Église, sans qu’il eût pour cela changé son nom, puisqu’il continuait à s’appeler Saul. Et pour que vous ne croyez pas que ce soit pour vous embarrasser que je parle ainsi, je reprendrai la chose de plus haut : Ils entraînèrent Étienne, dit l’Écriture, hors de la ville et ils le lapidèrent, et les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Saul (Act. 7, 57) ; et encore : Saul consentait à sa mort ; et ailleurs. Saul ravageait l’Église, entrant dans les maisons et entraînant les hommes et les femmes ; et encore : Saul respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur ; et encore : Il entendit une voix qui lui disait : Saul ! Saul pourquoi me persécutes-tu ? Il aurait donc dû quitter ce nom de Saul, aussitôt qu’il eut cessé de persécuter. Et pourtant, l’a-t-il quitté de suite ? Non ; c’est ce que nous montre la suite ; voyez plutôt : Saul se leva de terre, et les yeux ouverts, il ne voyait personne ; et encore : Le Seigneur dît à Ananie : Va