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nous a enseigné la pêche spirituelle, assis en quelque sorte sur le roc élevé des cieux, a laissé tomber d’en haut sa parole comme un hameçon et c’est par ces mots Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? (Act. 9, 4) qu’il a pris ce grand poisson. Et il est arrivé à ce poisson la même chose qu’à celui que Pierre prit su : l’ordre du Maître. En effet, il avait aussi dans la bouche un statère, mais de mauvais aloi, puisqu’il avait le zèle, mais non un zèle selon la science. Aussi Dieu n’eut qu’à donner la science pour avoir une pièce de monnaie excellente. Ce qu’éprouvent les poissons ordinaires quand on les prend, le nôtre l’éprouva aussi. Ceux-là à peine sortis de la ruer, perdent la vue ; celui-ci saisi et entraîné par l’hameçon, perdit aussi la vue ; mais sa cécité rendit la vue à tout l’univers. Voilà toutes les choses que je désire considérer. Supposez que les barbares viennent nous déclarer la guerre, que leur armée, rangée en bataille, nous accable de maux, et que tout à coup le chef des ennemis, celui qui dirige contre nous des machines de guerre, qui bouleverse toute notre cité, qui remplit tout de bruit et de tumulte, qui menace de renverser la ville elle-même, de la livrer aux flammes et de faire de nous des esclaves ; supposez, dis-je, qu’il tombe tout à coup entre les mains de notre empereur, et que lié, et enchaîné, il soit amené dans la ville, tous ne courront-ils pas à ce spectacle avec leurs femmes et leurs enfants ? Mais maintenant que la guerre s’est élevée, que les Juifs troublent et bouleversent tout, qu’ils dirigent des machines nombreuses contre l’Église, et que le chef des ennemis c’est Paul, Paul qui parle et qui agit plus que tous les autres, Paul qui trouble et bouleverse tout ; maintenant, dis-je, que Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre Roi, l’a pris, et qu’il amène enchaîné ce dévastateur, ne sortirons-nous pas tous pour voir ce spectacle et ce prisonnier ? Les anges eux-mêmes, du haut des cieux, en le voyant lié et conduit comme un prisonnier, tressaillaient de joie, non parce qu’ils le voyaient enchaîné, mais en pensant à la multitude de ceux dont il ferait tomber les liens ; non parce qu’ils le voyaient conduit comme un prisonnier, mais en songeant au grand nombre de ceux qu’il conduirait de la terre au ciel ; ils se réjouissaient, non de ce qu’ils le voyaient aveuglé, riais en pensant à ceux qu’il ferait sortir des ténèbres. Marche, lui dit le Seigneur, vers les nations, délivre-les des ténèbres, et fais-les passer dans le royaume de la charité du Christ. Voilà pourquoi je laisse le commencement du livre, et je me hâte d’arriver au milieu. C’est Paul et mon amour pour Paul qui me fait passer si loin. Paul et mon amour pour Paul. Pardonnez-moi ou plutôt ne me pardonnez pas, mais imitez cet amour. Celui qui parle d’un amour impur a raison de demander pardon ; mais quiconque parle d’un amour semblable à celui-ci doit s’en glorifier, chercher à faire partager sa passion et se donner le plus qu’il pourra de rivaux. Si, tout en avançant avec méthode, tout en suivant l’ordre naturel des choses, j’avais pu à la fois parler des faits précédents et arriver en peu de temps au milieu, je n’aurais eu garde de laisser le commencement et d’arriver tout de suite au milieu ; mais comme d’après l’institution de nos pères, il nous faut après, la Pentecôte déposer ce livre et que la fin de cette solennité marque aussi la fin de la lecture des Actes, j’ai craint, si je donnais trop de temps à l’explication du commencement, d’être devancé par la marelle de l’histoire et la succession des faits, en un mot de ne pas arriver à temps pour parler de saint Paul. Voilà pourquoi j’ai passé sans m’arrêter du début jusqu’au milieu du livre. Mais je n’ai pas pour cela laissé échapper de ma main ce livre que j’ai pour ainsi dire saisi par la tête ; et si je vous arrête au début du voyage commencé, c’est avec la ferme intention de revenir vous prendre où je vous ai lainés, pour vous conduire ensuite jusqu’au bout. Puisque j’ai déjà mis la main sur le début du livre, je pourrai en toute confiance y revenir et le continuer même après la fête, et personne ne pourra m’accuser d’inopportunité, puisque la nécessité et poursuivre une chose commencée suffira pour repousser ce blâme voilà pourquoi j’ai abandonné le début pour me bâter d’arriver au milieu. Je ne pouvais, en suivant la route, atteindre Paul, le livre dans la lecture qu’on en fait à l’Église, aurait marché plus vite que moi dans mon explication, et arrivant le premier, il n’aurait pas manqué de me fermer la porte : je vais vous le montrer en consultant seulement le commencement du livre, bien que la chose soit déjà parfaitement claire.
4. Puisque la lecture et l’explication du titre seul nous a occupés pendant la moitié de la solennité, que serait-ce si nous nous étions lancés dans la carrière immense que nous