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ennemies de la vérité ; et ces misérables, comme des marchands d’esclaves, les entraînent, leur enlèvent leurs ornements d’or, je veux dire, leur foi, et les étouffent aussitôt, non pas dans les fleuves, mais dans la fange de leurs fétides erreurs.
2. C’est à vous de prendre soin du salut de vos frères, de les amener vers nous, malgré leur résistance, malgré leur opiniâtreté, malgré leurs cris malgré leurs larmes : il n’y a que de l’enfantillage dans cette conduite rebelle et indolente. C’est à vous de corriger les imperfections de ces âmes ; c’est à vous à leur persuader de devenir des hommes. Car de même que nous ne considérerions pas comme un homme celui qui rejetterait la nourriture des hommes pour manger avec les animaux, des ronces et de l’herbe, de même nous ne pouvons pas appeler homme celui qui mépriserait la seule nourriture vraie et convenable de l’âme humaine, celle que lui fournit la parole divine, pour aller passer son temps dans les cercles du monde, dans ces assemblées qui font rougir, et se nourrir de conversations impies. Nous regardons comme un homme non pas celui qui se nourrit seulement de pain, mais celui qui, avant même cette nourriture matérielle, se nourrit de la parole de Dieu, de la parole de l’âme. Voilà ce qu’est un homme ; car écoutez la parole du Christ. L’homme ne vivra pas seulement, de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. (Mat. 4, 4) De sorte que notre nourriture est double, l’une inférieure, l’autre supérieure ; et c’est celle-ci surtout qu’il faut rechercher pour pouvoir nourrir notre âme et ne pas la laisser périr d’inanition.
C’est à vous de faire que notre ville soit remplie d’hommes. Puisque, si grande et si peuplée, elle est cependant vide d’hommes, il serait digne de vous de rendre ce service à votre patrie et d’attirer ici vos frères en leur racontant ce que vous y entendez. Pour attirer à un festin, ce n’est pas assez d’en faire l’éloge, il faut encore en emporter quelques mets pour les distribuer à ceux qui ne s’y trouvaient pas. Eh bien ! faites de même aujourd’hui, et de deux choses l’une ou bien persuadez-leur de venir à nous ; ou bien, s’ils persistent dans leur opiniâtreté, qu’ils reçoivent de votre bouche la nourriture, ou plutôt ils reviendront à nous. Car ils aimeront mieux, au lieu de recevoir leur nourriture par grâce, venir participer, selon leur droit, au banquet paternel. Ce que je vous conseille, vous l’avez déjà fait, vous le faites encore, et vous le ferez à l’avenir, j’en ai la pleine confiance et l’entière conviction : ce qui me le garantit, c’est la continuité de mes exhortations sur ce sujet, et la science et le zèle dont vous êtes assez remplis pour instruire vos frères.
Mais il est temps de dresser notre table, bien chétive sans doute, bien maigre et bien pauvre, mais assez pourvue néanmoins de l’assaisonnement le meilleur, la bonne disposition d’auditeurs affamés de la nourriture spirituelle. Ce qui fait l’agrément d’un festin, ce n’est pas seulement la richesse des mets, mais aussi l’appétit des conviés ; une table magnifique paraît chétive quand les convives s’en approchent sans faim ; une table chétive parait magnifique, quand elle reçoit des convives affamés. C’est en considérant que ce n’est pas la nature des mets, mais la disposition des convives qui fait la bonté d’un festin, qu’un auteur dit : L’homme rassasié dédaigne le rayon de miel, et l’homme pressé par la faim trouve doux ce qui est amer; (Prov. 27, 7) non que la nature des mets change, mais parce que la disposition des convives les trompe. Mais si la disposition des conviés leur fait trouver doux ce qui est amer, à plus forte raison ce qui est ordinaire leur paraîtra-t-il exquis. Aussi, bien que réduits à la dernière misère, nous imitons les hôtes les plus magnifiques, et, à chaque réunion, nous vous convoquons à notre banquet. Et nous le faisons, en nous confiant, non dans nos richesses, mais dans votre désir d’entendre.
3. Toute ma dette concernant le titre des Actes des Apôtres vous est maintenant payée. Pour continuer, il resterait à m’occuper du commencement de ce livre et à vous expliquer ces paroles : J’ai fait mon premier récit, ô Théophile, sur tout ce que Jésus commença à faire et à enseigner. (Act. 1, 1) Mais Paul ne me permet pas de suivre cet ordre naturel ; c’est vers sa personne et ses actions qu’il appelle mon discours. J’ai hâte de le voir entré déjà à Damas et enchaîné, non d’une chaîne de fer, mais par là parole du Maître ; j’ai hâte de le voir pris, ce poisson énorme, qui trouble toute la mer, qui â déjà soulevé contre l’Eglise mille tempêtes, j’ai hâte de le voir pris, non par l’hameçon, mais par la parole du Maître. De même qu’un pêcheur assis sur une roche élevée, lance sa ligne et laisse tomber l’hameçon dans la mer, de même notre Maître, Celui qui