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Veux-tu que je dise tes fautes, et que par là je te ferme à jamais l’accès de ce sacré portique ? Il ne dit aucune de ces sottes paroles que nous prodiguons chaque jour dans nos invectives mutuelles ; mais ayant gémi amèrement et frappé sa poitrine, il se contenta de dire : Ayez pitié de moi qui suis un pécheur (Id. V, 13), et il s’en retourna justifié.
Voyez-vous quelle promptitude ? Il accepte l’injure, et il se lave de l’injure ; il reconnaît ses péchés, et il se décharge de ses péchés l’accusation portée contre sa faute a pour résultat de l’effacer, et son ennemi, malgré lui, devient son bienfaiteur. Combien aurait-il fallu de mortifications à ce publicain, de jeûnes, de sommeils sur la dure, de veilles, de distributions aux indigents, pour pot voir se décharger de ses péchés ? Et voici que sans avoir rien l’ait de tout cela, au moyen d’une simple parole il se purifie de tous ses vices ; les insultes, les affronts de celui qui avait cru l’outrager lui procurent une couronne de justice, sans sueurs, sans fatigues, sans dépense de temps. Voyez-vous que lorsqu’une personne dirige contre nous des imputations véridiques, dont notre conscience elle-même reconnaît la justesse, si au lieu d’outrager le médisant, nous pleurons amèrement, et que nous implorions Dieu pour nos péchés, nous pourrons par là nous décharger de toutes nos fautes ? C’est ainsi du moins que le publicain, par exemple, fut justifié : attendu que loin de répondre par une insulte à l’insulte du pharisien, il avait gémi sur ses propres péchés, il s’en retourna mieux justifié que cet homme.
5. Voyez-vous de quel profit peut être pour nous l’insolence de nos ennemis, si nous savons nous y résigner avec sagesse ? Or, s’ils nous sont utiles en tout cas, soit qu’ils mentent, soit qu’ils disent la vérité, de quoi nous plaignons-nous, qu’est-ce qui nous afflige ? Si tu ne te nuis pas à toi-même, mon cher auditeur, ni ami, ni ennemi, ni le diable lui-même ne pourront te nuire. En effet si l’on nous rend service en nous outrageant, en nous proscrivant, en attentant même à notre vie, si par là les uns, ainsi que nous l’avons montré, nous tressent une couronne de martyre, tandis que les autres allègent le fardeau de nos péchés et font de nous des justes, comme il advint pour le publicain, pourquoi dès lors serions-nous exaspérés contre eux ? Ainsi donc ne disons point : Un tel m’a provoqué, un tel m’a poussé à lui dire des paroles injurieuses : la faute en est toujours à nous-mêmes. – Si nous voulons être sages, le démon lui-même ne saurait nous pousser à la colère ; c’est ce qui résulte et de bien d’autres choses et de l’histoire même qui nous occupe en ce moment, celle de David, sur laquelle il est bon d’appeler encore aujourd’hui vos regards, après avoir remémoré d’abord à votre charité, où nous en sommes restés l’autre jour. Où donc en sommes-nous restés ? À l’apologie de David. Nous devons donc aujourd’hui rapporter les paroles de Saül, et voir ce qu’il répondit à la justification de David. Car ce n’est point seulement par les discours de David, c’est encore par les propos de Saül, due nous connaîtrons la vertu de David : en effet si nous remarquons quelque douceur et quelque aménité dans son langage nous en ferons honneur à celui qui sut changer cet homme, qui sut former et redresser son âme. Voyons donc ce que répond Saül ? Après avoir entendu David lui dire : Voici dans ma main le morceau de ton manteau, et se défendre comme on sait : C’est ta voix, s’écrie-t-il, mon fils David! (1Sa. 24,17)
Quel changement opéré tout à coup ! Celui qui jadis ne se résignait pas même à l’appeler par son simple nom, qui haïssait jusqu’à ce nom, voici qu’il l’introduit dans sa famille en l’appelant son fils ! Quel plus heureux sort que celui de David, qui se fit un père de son assassin, qui changea ce loup en brebis, qui sut éteindre, à force de l’arroser, cette fournaise de colère ; qui fit succéder le calme à la tempête et guérit toute (inflammation de ce cœur ! Les paroles de David, en pénétrant dans la pensée de cette bête féroce, avaient opéré tout le changement dont témoigne cette réponse. Saül ne dit pas, en effet : C’est toi qui parles, mon fils David ! mais bien : C’est ta voix, mon fils David ! car le seul son de cette voix suffisait désormais à l’attendrir. Et comme un père qui entend, après une longue absence, retentir la voix de son enfant, n’a pas besoin de le voir pour être en éveil : il lui suffit de l’entendre ; de même Saül, après que les paroles de David, en pénétrant dans son cœur, en eurent chassé la haine, reconnut alors le saint, et, guéri de sa passion, sentit une autre passion l’envahir : la colère avait disparu, la joie, l’affection lui succédèrent. Et de même que, dans l’ombre de la nuit, il nous arrive de ne pas nous apercevoir de la présence d’un ami, tandis que le