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mortels poisons, et l’hostie redoutable et sainte. N’est-ce point de là que proviennent les ruines, les mariages malheureux, les guerres et les luttes domestiques ? Quand tu t’es abandonné ail charme de ces spectacles, quand tu es devenu plus enclin au désordre, au libertinage, que toute chasteté te fait horreur, si tu reviens alors chez toi et que tu revoies ta femme, certes ce ne sera pas sans un certain dégoût, quelle qu’elle soit d’ailleurs. Enflammé de la concupiscence qu’allument les théâtres ; séduit par les enchantements de ce spectacle étranger, tu n’as plus que dédains, outrages, insultes pour la pudique et chaste compagne de ta vie entière : non que tu aies rien à lui reprocher, mais rougissant de confesser la passion, de montrer la blessure que tu rapportes de là-bas, tu arranges d’autres prétextes, tu vas chercher d’absurdes sujets d’inimitié ; tout ce qui est chez toi ne t’inspire que du mépris ; la criminelle et impure concupiscence qui t’a blessé enchaîne seule ta pensée ; gardant obstinément dans ton âme et le son de cette voix, et cette posture, et ces regards, et ces gestes et toutes ces images de luxure, tu ne trouves plus aucun attrait à rien de ce qui est dans ta maison. Que dis-je, ta femme, ta maison ? L’église même n’a plus de charme à tes yeux, et tu ne saurais plus entendre sans murmure parler de la chasteté, de la pudeur. Ce qu’on dit ici ne sera plus désormais pour toi une instruction, mais une accusation ; et peu à peu entraîné au désespoir, tu finiras par renoncer brusquement à cet enseignement si précieux pour tous les fidèles. – Ainsi donc, je vous exhorte tous, tant à fuir ces détestables loisirs du théâtre, qu’à y arracher ceux qui s’y sont abandonnés. Ce n’est pas un divertissement, c’est une ruine, un châtiment, un supplice que tout ce qui se passe en ce lieu.
En effet, que rapporte ce plaisir d’un moment, quand il enfante un long chagrin, quand il allume une concupiscence qui, nous aiguillonnant jour et nuit, nous rend incommodes et insupportable à tous ? Regarde en toi-même, vois ce que tu es en revenant de l’église, ce que tu es en sortant du théâtre, fais la comparaison de ces deux journées, et tu n’auras plus besoin de nos paroles. Il te suffira de mettre ces deux journées dans la balance, pour te montrer combien il y a d’avantage ici, et là-bas, de dommage. J’ai déjà entretenu de ce sujet votre charité, et je ne me lasserai jamais d’y revenir. Par là nous donnerons nos soins à ceux qui sont atteints de pareilles maladies, et nous raffermirons la santé de ceux qui en sont exempts, car ces deux classes d’hommes profitent également de la parole : les uns pour guérir, les autres pour ne pas tomber malades. Mais comme il faut garder une, mesure jusque dans le reproche, nous arrêterons ici cette exhortation, et nous épuiserons ce que nous a laissé à dire notre précédente matière, en revenant encore à David. En effet, c’est un usage des peintres, lorsqu’ils veulent tracer une image ressemblante, de faire asseoir devant eux, rut, deux, trois jours, ceux qui désirent se faire peindre, afin que cette contemplation assidue du modèle leur permette d’obtenir une reproduction d’une fidélité parfaite. De même, puisqu’il s’agit pour nous aussi, de peindre, non l’image d’une forme corporelle, mais la beauté d’une âme et des charmes tout spirituels, nous voulons encore aujourd’hui appeler David à s’asseoir devant vous, afin que dirigeant tous sur lui vos regards, chacun de vous s’applique à reproduire en son âme l’empreinte de la beauté de ce juste, sa douceur, son humanité, sa grandeur d’âme et toutes ses vertus. En effet, si les images qui représentent le corps offrent quelque charme à ceux qui les considèrent, à plus forte raison les images de l’âme. De plus, les premières ne sont point visibles partout, il est nécessaire qu’elles restent toujours immobiles au même endroit ; tandis que celles-ci, rien ne t’empêche de les promener partout où il te plaira. En effet, si tu as mis en réserve une telle image au fond de ta pensée, en quelque lieu que tu te trouves, tu pourras l’avoir continuellement sous tes yeux, et en tirer le plus grand profit. Et de même que ceux qui souffrent des yeux, s’ils tiennent à la main des éponges ou des morceaux d’étoffes teints en azur sur lesquels ils ont les yeux constamment fixés, procurent, au moyen de cette couleur, un soulagement à leur infirmité : ainsi vous-mêmes, si vous avez l’image de David devant les yeux, si vous ne cessez de la considérer avec attention, quand bien même la colère vous susciterait mille épreuves, et obscurcirait le regard de votre intelligence, vous n’aurez qu’à porter la vue sur ce modèle de vertu, pour rentrer en pleine possession de la santé et de la pure sagesse.
3. Que l’on ne vienne pas me dire : J’ai pour ennemi un scélérat, un pervers, un homme