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car, s’ils veulent réparer les fautes qui les ont fait exiler de l’Église, ils pourront y rentrer une fois que leur conscience sera purifiée. Mais ceux qui se sont souillés, et qui, après avoir reçu l’injonction de ne point reparaître avant d’avoir lavé la tache que leur ont imprimée leurs péchés, osent enfreindre cette défense, ceux-là ne font qu’envenimer leur blessure et qu’élargir leur plaie. En effet, ce n’est pas tant le péché qui est grave, que l’obstination dans le péché, et la désobéissance aux prêtres qui ont prononcé la défense. Mais quel péché si affreux ont-ils donc commis, objectera quelqu’un, pour qu’on les expulse de cette enceinte consacrée ? Et quel autre péché plus grand demandez-vous, quand des hommes, qui sortent tout formés d’une école d’adultère, osent ensuite impudemment, comme des chiens égarés par la rage, se jeter sur ce sacré festin ? Et si vous voulez savoir comment ils sont adultères, au lieu de parler en mon nom, je vous citerai les paroles de Celui même qui doit juger toute notre vie : Quiconque, dit-il, aura regardé une femme pour la convoiter, a déjà commis l’adultère dans son cœur. (Mt. 5,28) Or, si fréquemment la rencontre faite par hasard, sur la place, d’une femme vêtue avec négligence, et un regard distrait jeté sur sa personne suffisent pour séduire : ceux qui vont au théâtre, non point par hasard, ni sans réflexion, mais avec un empressement assez vif pour leur faire négliger l’Église, et sous l’empire d’une curiosité libertine, qui passent en cet endroit leur journée, les yeux attachés sur des femmes perdues d’honneur, comment pourraient-ils dire qu’ils n’ont pas regardé avec convoitise ? là, où se rencontrent ensemble propos dissolus, chansons licencieuses, voix séduisante, fard autour des yeux, fard sur les joues, costumes arrangés avec coquetterie, attitudes enchanteresses et mille autres sortilèges, combinés comme des amorces pour leurrer les spectateurs ; puis le laisser-aller du public, le relâchement général, un lieu où tout invite à l’incontinence, tant les propos des assistants, avant la représentation, qu’ensuite ceux des acteurs ; la mélodie perfide des flûtes de toute espèce, et des autres instruments, qui amollit tout ce qu’il y a de ferme dans un cœur, qui livre toute une assemblée aux séductions des courtisanes, et la leur offre désarmée. Si dans ce lieu même, où retentissent les psaumes, les prières, les divines paroles, où règnent la crainte de Dieu et la piété profonde, souvent, comme un adroit voleur, se glisse en secret la concupiscence ; comment des hommes assis sur les degrés d’un théâtre, où ils ne voient que des spectacles, n’entendent que des propos corrupteurs, respirant la mollesse ou l’obscénité, attaqués ainsi de tous côtés, par les oreilles comme par les yeux, pourraient-ils triompher de cette pernicieuse concupiscence ? Et s’ils ne le peuvent point, comment sauraient-ils échapper à l’imputation d’adultère ? Mais ceux qui n’échappent point à l’inculpation d’adultère, comment pourront-ils sans remords, gravir les degrés de ces saints portiques, et prendre part à cette auguste réunion ?
2. Je vous conseille donc et vous conjure de commencer par vous laver, au moyen de la confession, du repentir et de toutes les ressources qui vous restent, du péché que vous avez commis en assistant à ce spectacle, avant d’écouter la parole divine. Votre faute n’est point une faute légère ; des exemples vous le feront voir clairement. Si un serviteur s’avisait de déposer dans le coffre où son maître enferme des vêtements précieux et brochés d’or un sordide haillon d’esclave, tout plein de vermine, prendriez-vous en patience une pareille témérité, dites-moi ? Et si, dans un vase d’or accoutumé à renfermer des parfums, un autre s’avisait de répandre de la fiente et des ordures, ne donneriez-vous pas des coups à celui qui aurait commis cette faute ? Mais quoi ! si nos coffres, nos vases, nos vêtements, nos parfums, nous inspirent tant de sollicitude, compterons-nous pour moins notre âme ? et là, où a été versé le parfum de l’esprit, irons-nous introduire des pompes diaboliques, de sataniques propos, des chansons qui respirent la luxure ? Et comment Dieu supporterait-il cela, je vous le demande ? Certes il n’y a pas autant de différence entre les parfums et les ordures, entre des vêtements de maître et des vêtements d’esclave, qu’il n’en existe entre la grâce spirituelle et ces perverses pratiques. Tu ne trembles pas, mon ami, à la pensée de regarder avec les mêmes yeux et ce lit de l’orchestre, où se jouent les drames abominables de l’adultère et cette table sacrée où les redoutables mystères se célèbrent ? d’écouter avec les mêmes oreilles les immondes propos d’une courtisane et les révélations d’un prophète ou d’un apôtre ? de recevoir dans le même cœur de