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de colère. Ce n’est pas le diadème de Saül, c’est la couronne de justice qui le décorait ; ce n’était point la pourpre royale, c’était une sagesse supérieure aux forces humaines qui le revêtait d’un éclat devant lequel aurait pâli la robe la plus magnifique.
Il sortit de la caverne avec la même gloire que les trois enfants sortirent de la fournaise. Le feu ne les consuma point : l’incendie de la colère ne put l’embraser. Le feu qui venait du dehors ne leur fit point de mal : mais lui, qui portait en lui-même des charbons ardents, et qui voyait le diable attiser du dehors le feu de la fournaise, sut résister et à la vue de son ennemi, et aux exhortations des soldats, et à la facilité du meurtre, et au délaissement de celui qu’il avait entre les mains, et au souvenir du passé, et aux angoisses de l’avenir ; et certes, les sarments, la poix, les étoupes, et tous les combustibles entassés dans la fournaise de Babylone, ne donnaient pas une plus vive flamme : il n’en fut point consumé, il n’éprouva rien de ce qu’on devait présumer ; il sortit pur, et la vue de son ennemi fut ce qui l’éleva au plus haut point de sagesse. Le voyant endormi, immobile, impuissant, il se dit : Où est maintenant cette colère ? où est cette scélératesse ? où sont tant d’artifices et de trames perfides ? Tout a disparu, tout a fui devant un moment de sommeil ; le roi repose enchaîné, sans que nous ayons eu recours pour cela à aucun complot, à aucun manège. Il le voyait endormi et il méditait sur la mort qui nous attend tous également. Car, qu’est-ce que le sommeil, sinon une mort temporaire, un trépas quotidien ? Il n’est point hors de propos ici de rappeler encore l’histoire de Daniel. Daniel sortait de la fosse, après avoir triomphé des bêtes carnassières de même David quittait la caverne, vainqueur d’autres monstres plus redoutables. Les lions entouraient de tous côtés cet autre juste : ainsi le nôtre était en butte aux attaques de lions sans égaux en férocité, je veux dire des passions : d’un côté, le ressentiment du passé, de l’autre, la crainte de l’avenir : David, néanmoins, sut apaiser, brider ces bêtes féroces, faisant voir par sa conduite qu’il n’y a rien de plus sûr que d’épargner ses ennemis, rien de plus dangereux que de vouloir se venger et se faire justice. Car, celui qui avait voulu tirer satisfaction était là, nu, désarmé, sans secours, à la merci d’autrui comme un prisonnier : au contraire, celui qui lui cédait et lui obéissait constamment, celui qui n’avait pas voulu poursuivre même une juste réparation, celui-là, sans stratagèmes, sans armes, sans chevaux, sans armée, voyait son ennemi tomber entre ses mains : et ce qui surpassait tout, il se rendait plus agréable à Dieu.
3. En effet, si je proclame heureux notre saint, ce n’est point pour avoir vu son ennemi gisant à ses pieds, c’est pour l’avoir épargné lorsqu’il le tenait en son pouvoir. Car c’est la puissance de Dieu qui lui valut cette rencontre : mais il ne dut le reste qu’à sa propre sagesse. Comment doit-on supposer que ses soldats se comportèrent désormais à son égard ? Quelle affection ne durent – ils pas éprouver pour lui ? S’ils avaient eu mille vies, n’auraient-ils pas été tout prêts à les sacrifier pour leur chef, instruits par l’exemple de sa sollicitude envers un ennemi, du dévouement qui devait l’animer pour les siens ? Humain et charitable pour ses persécuteurs, comment n’aurait-il pas eu les mêmes dispositions pour ceux qui lui étaient attachés ? C’étaient pour eux la plus forte garantie de sécurité. Mais ils ne lui étaient pas seulement plus attachés, ils étaient encore plus ardents à marcher contre les ennemis, sachant que Dieu combattait pour eux, ne cessait d’assister leur général et de seconder toutes ses entreprises. Ce n’est plus un homme, c’est un ange qu’ils voyaient en David. Et en attendant la rémunération divine, ici-bas même, celui-ci gagna plus à sa propre clémence que celui qu’il avait sauvé, et remporta une plus éclatante victoire, que s’il avait immolé Saül. En effet, quel profit comparable à celui de sa miséricorde lui aurait valu le meurtre de son ennemi ? Songez donc, vous aussi, si jamais votre persécuteur tombe en votre pouvoir, qu’il est bien plus grand et bien plus avantageux de faire grâce que de tuer. Celui qui a tué se condamnera plus d’une fois lui-même, il aura la conscience troublée, poursuivi chaque jour, à toute heure, par son péché. Au contraire, celui qui a fait grâce, qui a su se maîtriser un instant, est ensuite dans la joie et la béatitude ; il vit dans une heureuse espérance, comptant que Dieu récompensera sa patience. Si jamais il lui survient quelque calamité, avec une entière confiance, il demandera à Dieu son salaire : c’est ainsi que tous ces biens échurent à David et qu’il reçut plus tard de Dieu d’amples et merveilleuses récompenses, pour prix de sa