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du zèle que vous témoignez pour lui. C’est lui qui a lutté, qui a vaincu, qui a ceint la couronne ; mais vous, par les éloges donnés à sa victoire, vous avez mérité d’emporter une bonne part des fleurs de cette couronne. Afin d’ajouter encore à votre plaisir et à votre richesse, je vais donc m’acquitter avec vous du reste de l’histoire. L’historien, après avoir rapporté les paroles, par lesquelles David demande la grâce de Saül, ajoute qu’ il ne leur permit pas de se lever et de tuer Saül (1Sa. 24,8), faisant voir à la fois et l’ardeur de ces hommes à commettre le meurtre, et le courage de David. Cependant combien d’ennemis, même parmi ceux qui sont réputés sages, tout en répugnant eux-mêmes au meurtre, ne se décideraient pas à empêcher d’autres mains de l’accomplir. Tels ne furent point les sentiments de David : mais comme s’il avait entre les mains un dépôt, et qu’il dût en rendre compte, non seulement il ne porte pas la main sur son ennemi, mais encore il arrête ceux qui voulaient le tuer, comme s’il n’était plus lui-même son ennemi, mais son garde-du-corps, son satellite fidèle : de sorte que l’on ne se tromperait pas en disant que David courut alors plus de danger que Saül. En effet, il n’engageait point un mince combat, en faisant tous ses efforts pour le dérober aux mauvais desseins des soldats : et il ne craignait pas tant d’être tué lui-même que de voir un de ces hommes se laisser emporter par la colère à frapper le roi voilà pourquoi il entreprit l’apologie dont j’ai parlé. Les soldats étaient les accusateurs ; Saül endormi, l’accusé ; son ennemi le défendait ; Dieu était juge, et son arrêt confirma l’opinion de David. En effet, sans l’assistance de Dieu, il n’aurait pu triompher de ces furieux mais la grâce de Dieu résidait sur les lèvres du prophète, et donnait un charme insinuant à ses paroles. D’ailleurs, David lui-même ne contribua point pour urne faible part au succès c’est parce que, de longue date, il avait inspiré ces sentiments à ses compagnons qu’au moment de la lutte il les trouva préparés et obéissants, car il ne s’était pas montré pour ses soldats un général, mais un prêtre : et dans ce jour la caverne était une église.
A la façon d’un évêque, il leur adresse une homélie : et après cette homélie, il offre un sacrifice merveilleux, inouï, non point en immolant un veau, en égorgeant un agneau, mais, ce qui était bien plus précieux, en faisant au Seigneur une offrande de douceur et de modération, en immolant son courroux déraisonnable, en tuant sa colère, en mortifiant ses membres terrestres. Lui-même, il fut la victime, le prêtre, l’autel. En effet, et la raison qui faisait cette offrande de douceur et de modération, et la modération et la douceur, et le cœur où cette offrande se célébrait, toutes ces choses étaient en lui.
2. Enfin, quand il eut offert ce glorieux sacrifice, consommé sa victoire, et que rien ne manqua à son trophée, le sujet de ces luttes, Saül, se leva, et sortit de la caverne, ignorant tout ce qui s’était passé. Et David sortit après lui (1R. 24,9), élevant au ciel des regards désormais assurés, et plus joyeux alors, qu’après avoir abattu Goliath, et avoir coupé la tête de ce barbare. En effet, cette dernière victoire était plus belle, le butin en était plus précieux, les dépouilles plus superbes, le trophée plus glorieux. Alors, il lui avait fallu une fronde, des pierres, une bataille rangée ; cette fois la raison lui a suffi, sans armes il a remporté la victoire, sans avoir versé de sang il a érigé le trophée. Il revenait donc rapportant non plus la tête d’un barbare, mais un cœur mortifié, mais une colère vaincue : et ce n’est point dans Jérusalem qu’il consacra ces dépouilles, mais dans le ciel, dans la cité d’en-haut. On ne voyait plus les femmes s’avancer à sa rencontre en dansant, en le saluant de leurs acclamations : mais le peuple des anges lui applaudissait là-haut, admirant sa sagesse et sa vertu. Car il revenait après avoir fait mille blessures à son adversaire, non à Saül, qu’il avait sauvé, mais à son véritable ennemi, le diable, qu’il avait percé de mille coups. Car ainsi que nos colères, nos luttes, nos chocs mutuels réjouissent et charment le diable : ainsi la paix, la concorde, les victoires remportées sur la colère, l’abattent au contraire et l’humilient, attendu qu’il déteste la paix, qu’il est l’ennemi de la concorde, et le père de la jalousie. David sortait donc de la caverne, une couronne sur la tête, une couronne aussi dans cette main qui valait un monde. En effet, de même que ceux qui se sont signalés au jeu du pancrace ou du pugilat, reçoivent souvent des juges une couronne dans la main, avant d’en recevoir une sur la tête : ainsi Dieu couronnait cette main qui avait eu la force de rapporter son épée sans tache, de montrer à Dieu une lame pure de sang, et de résister à un pareil assaut