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mariage et imagine un présent de noces d’une nouvelle espèce : Le roi ne veut pas d’autre présent que cent prépuces enlevés à ses ennemis. (1Sa. 18,23) Voici le sens de ces paroles : « Fais-moi périr cent hommes et ce sera ton présent de noces. Il parlait ainsi, afin de le livrer aux ennemis sous prétexte d’un mariage ».
4. Néanmoins David, considérant cette proposition avec sa modestie accoutumée, refusa le mariage, non à cause du péril, ni par crainte des ennemis, mais parce qu’il se jugeait indigne d’entrer dans la famille de Saül ; et voici les paroles qu’il adressa aux serviteurs du roi Est-il facile à vos yeux que je devienne gendre du roi ? mais je suis un homme obscur et de basse condition? (1Sa. 18,23) Et cependant ce qu’on lui offrait lui était dû ; c’était le prix, la rémunération de ses peines ; mais il avait tant de contrition dans le cœur, qu’après tant d’exploits, une si brillante victoire, une parole donnée, il se croit indigne de recevoir la récompense qui lui est due ; et cela quand il allait s’exposer à de nouveaux périls. Mais lorsqu’il eut vaincu les ennemis, et reçu en mariage la fille du roi, la même chose arriva encore : David jouait du luth, et Saül cherchait à le frapper avec sa lance, et il la lança ; mais David se détourna et la lance frappa la muraille. (1Sa. 19,9-10) Qui donc parmi les plus versés dans la sagesse, ne se serait point alors mis en courroux, et, sinon, pour tout autre motif, au moins dans l’intérêt de sa propre sûreté, n’aurait cherché à tuer cet injuste agresseur ? Ce n’était plus un meurtre ; et même, s’il eût frappé, sa douceur fût encore allée au-delà des bornes de la loi. En effet la loi accordait œil pour œil ; or, en égorgeant son ennemi, il ne lui eût rendu qu’un meurtre pour trois, pour trois meurtres dénués de toute excuse admissible. Néanmoins il n’en fit rien, il préféra prendre la fuite, s’exiler de la maison paternelle, devenir un vagabond, un fugitif, et gagner sa vie à grand-peine, que de se rendre auteur de la mort du roi. En effet ce qu’il voulait, ce n’était point se venger de lui, mais le guérir de sa maladie, Ainsi il s’esquive loin des yeux de son ennemi, afin de calmer chez celui-ci l’inflammation de sa blessure, et d’amortir l’ardeur de sa jalousie. Il vaut mieux, dit-il, que je sois malheureux et en butte à l’infortune, que de le, laisser se charger devant Dieu d’un meurtre injuste. Ceci n’est point seulement à écouter, tuais encore à imiter ; résignons-nous à tout faire et à tout souffrir pour délivrer nos ennemis de leur haine contre nous, et ne nous enquérons point si cette haine est juste ou injuste, mais cherchons seulement le moyen de l’apaiser. En effet le médecin s’occupe de guérir le malade, et non de rechercher si le mal lui est venu justement ou injustement. Et vous aussi, vous êtes les médecins de vos persécuteurs ; inquiétez-vous d’une seule chose, des moyens de faire disparaître leur infirmité. Ainsi se comporta ce bienheureux ; il préféra la pauvreté à la richesse, l’isolement à la patrie, les fatigues et les dangers au luxe et à la sécurité, un perpétuel exil au séjour de sa maison, pour guérir Saül de son animosité et de sa haine contre lui. Saül, néanmoins, n’y gagna rien ; il allait poursuivant, cherchant de tous côtés cet homme innocent à son égard, autant que lui-même était coupable envers lui, que dis-je ? cet homme qui avait reconnu sa persécution par mille bienfaits, et, sans le savoir, voici qu’il tombe justement dans les filets de David. Là était une caverne, dit l’Écriture, et Saül y entra pour se soulager. Or David avec ses compagnons était assis à l’intérieur de la caverne. Et les gens de David lui dirent Voici le jour dont le Seigneur a dit : Je te livrerai ton ennemi entre les mains, et tu lui feras ce qui sera agréable à tes yeux. Et David se leva, et il déroba furtivement un morceau du manteau de Saül. Et après cela le cœur de David lui battit, parce qu’il avait dérobé ce morceau de manteau, et David dit à ses gens : A Dieu ne plaise que je fasse ceci à mon maître, à l’oint du Seigneur, de porter la main sur lui, parce qu’il est l’oint du Seigneur. Vous avez vu les filets tendus, le gibier pris au piège, le chasseur averti, et tous l’exhortant à plonger l’épée dans le sein de son ennemi.
Considérez maintenant sa sagesse ; considérez sa lutte, sa victoire, sa couronne. Car c’était un stade que cette caverne, et une lutte s’y passait, étonnante, inouïe. David était le lutteur, contre lui la colère tenait le ceste, Saül était le prix, le juge était Dieu. Mais plutôt ce n’est pas seulement contre lui-même, ce n’est pas contre sa passion qu’il avait une guerre à soutenir : c’était encore contre les soldats présents. En effets quel que fût son désir de rester modéré et d’épargner son persécuteur, il devait redouter ces hommes et craindre qu’ils ne vinssent à le massacrer lui-même dans cette caverne, comme un traître, infidèle au soin de leur