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serments, nous avons employé plusieurs journées de suite à vous entretenir de la même matière, ainsi voulons-nous faire pour la colère, touchant laquelle nous vous adresserons des exhortations suivies autant qu’il sera en notre pouvoir. – En effet, la meilleure manière d’enseigner, selon nous, c’est de ne pas cesser de répéter un conseil, quel qu’il soit, avant de l’avoir vu suivi et mis en pratique. Celui qui parle aujourd’hui de l’aumône, demain de la prière, ensuite de la douceur, et puis de l’humilité, ne pourra convertir à aucune de ces choses ses auditeurs, tandis qu’il sautera ainsi d’un sujet à un autre, de celui-ci à un troisième, et ainsi de suite. Celui qui veut inspirer à ses auditeurs les vertus dont il leur parle, doit ne pas se lasser de revenir sans cesse aux mêmes exhortations, aux mêmes avis, et ne point se jeter dans une autre matière, qu’il n’ait vu sa première leçon dûment enracinée dans les esprits. Ainsi se comportent les maîtres : ils ne font point passer tés enfants aux syllabes, avant que ceux-ci ne possèdent parfaitement leurs lettres. L’autre jour nous vous lisions la parabole des cent deniers et des dix mille talents, et nous vous faisions voir quel mal c’est que le ressentiment[1]. En effet, celui dont les mille talents n’avaient point causé la perte, succomba à cause de cent deniers ; ils firent révoquer la grâce qui lui avait été accordée, le privèrent du bienfait reçu, le ramenèrent devant le tribunal, après qu’il avait été dispensé de rendre ses comptes, de là, le jetèrent en prison, et le livrèrent enfin au supplice éternel. Mais aujourd’hui nous amènerons le propos sur un autre sujet. Il faudrait, pour bien taire, que celui qui vous parle de la douceur et de l’humanité vous offrit des exemples de ces vertus empruntés à sa propre vie et tirés de son fonds, de façon à vous diriger par sa conduite en même temps qu’il vous instruirait par ses discours. Mais comme nous sommes bien éloignés de tant de vertus, nous produirons un des saints devant vous, nous le mettrons sous vos yeux par là nous vous donnerons un enseignement sensible et efficace, en vous exhortant, aussi bien que nous-même, à imiter comme un modèle tout tracé, la vertu de ce juste.
Quel modèle mettrons-nous donc sous vos yeux, dans cet entretien relatif à l’humanité ? Et quel autre pourrions-nous choisir que celui que nous désigne un témoignage d’en haut, et qui a dû à cette vertu une gloire toute spéciale ? J’ai trouvé, dit l’Écriture, David, fils de Jessé, homme selon mon cœur. (2Sa. 13-14 ; Act. 13-22) Lorsque Dieu donne son avis, il n’y a plus matière à contradiction. – Car c’est l’arrêt d’un juge incorruptible qui ne consulte, pour prononcer, ni la faveur, ni l’animosité, et, dont la vertu toute seule obtient le suffrage. Mais, si nous l’offrons ici en spectacle, ce n’est pas seulement parce qu’il a été honoré de ce suffrage divin, c’est encore parce qu’il a vécu sous l’ancienne loi. En effet, que sous la loi de grâce, on rencontre un homme pur de colère, miséricordieux envers ses ennemis, clément à l’égard de ses persécuteurs, cela n’aurait rien d’étonnant après la mort du Christ, après un tel pardon, après tant de prescriptions pleines de sagesse : mais qu’au temps de l’Ancien Testament, alors que la loi accordait œil pour œil, dent pour dent, et autorisait la peine du talion, un homme ait paru qui ait outrepassé les bornes de l’obligation, et se soit élevé d’avance jusqu’à la philosophie apostolique ; qui pourrait entendre cela sans admiration ? Et qui, faute de s’attacher à un tel modèle, ne se priverait pas de toute excuse, de tout titre à l’indulgence ? Mais, afin que nous connaissions plus à fond la vertu de David, permettez-moi de revenir un peu en arrière, et de rappeler les services rendus à Saül par ce bienheureux. Car le simple fait de ne pas se venger de la persécution d’un ennemi, n’a rien d’étonnant : mais tenir entre ses mains un homme qu’on a comblé de bienfaits, et qui, pour prix de ces bienfaits a tenté une, deux fois et plus, de faire périr celui dont il les a reçus, devenir maître de sa vie, le laisser échapper, le dérober aux desseins meurtriers des autres, et cela, quand il doit ensuite persister dans ses entreprises criminelles, n’est-ce pas atteindre au plus haut degré où puisse s’élever la sagesse ?
2. Quels services David avait rendus à Saül, comment, en quelles circonstances, souffrez qu’un court récit vous le rappelle. Les Juifs étaient en butte à une guerre terrible ; partout régnaient la peur et l’épouvante ; nul n’osait lever la tête ; l’État tout entier était réduit à la dernière extrémité, chacun avait la mort devant les yeux, tous s’attendaient chaque jour à périr, et vivaient plus misérables que les criminels qu’on mène au dernier supplice. Alors

  1. Voy tom. 4, pag. 1.