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on a déposé sur notre tête cette couronne de louanges trop grande four notre mérite. Mais en dépit de notre indignité, notre père, poussé par sa tendresse, ne s’est pas arrêté qu’il n’ait eu posé d’une manière telle quelle cette couronne sur notre tête. C’est ainsi que les rois en agissent quelquefois, ils prennent ce diadème qui ceint leur tête et le posent sur la tête de leurs petits enfants, puis voyant la disproportion entre ce chef d’enfant et la couronne, et contents de ce couronnement sans conséquence essayé tant bien que mal, ils reprennent ce diadème qui leur appartient et qui pare si bien leur front.
3. Mais puisque notre père ne se résoudrait jamais à mettre sur son chef cette couronne qu’il a essayée sur le nôtre et qui a paru trop grande, prenons-la nous-même et déposons-la sur le chef vénérable de notre père, à qui elle siéra admirablement. De Jean-Baptiste, nous n’avons nous que le nom, notre père en a le cœur ; nous avons reçu le nom de Jean, et notre père possède la vertu de Jean-Baptiste. Et ce nom de Jean lui appartient à plus juste titre qu’à nous, car ce qui fait l’homonyme c’est la ressemblance non point du nom mais de la conduite ; quand les actions se ressemblent, la différence des noms n’est pas un obstacle : sur cette matière la sainte Écriture suit une autre philosophie que les philosophes profanes ; pour ceux-ci il faut que la communauté de substance concorde avec la communauté de nom pour qu’il y ait homonymie. La sainte Écriture en décide autrement. Tous ceux en qui elle remarque une grande ressemblance de sagesse et de conduite, elle leur impose la même appellation, quelque différence qu’il y ait d’ailleurs entre les noms. Et la preuve de ceci, je n’irai pas la chercher bien loin, ce même Jean fils de Zacharie me la fournit. Les disciples ayant demandé si Élie devait revenir, Jésus leur répondit : Voulez-vous le recevoir ? Jean est cet Élie qui doit venir. (Mat. 11, 14) Et cependant il s’appelait Jean, mais comme il avait la vertu d’Élie, c’en est assez pour que le Seigneur lui donne le nom d’Élie. Il avait l’esprit d’Élie, c’est pourquoi il est appelé Élie. L’un et l’autre habitèrent le désert ; l’un était couvert d’une peau de brebis, l’autre d’un vêtement de poil de chameau, leur nourriture à tous deux était également simple et frugale. L’un a été le précurseur du premier avènement, l’autre sera celui du second. Comme donc leur genre de vie, leurs vêtements, leurs demeures et leurs ministères sont semblables, c’est pour cela que le Seigneur leur donne le même nom à tous les deux, et il montre par là que la différence du nom n’empêche pas que l’on soit l’homonyme de celui de qui l’on imite les vertus.
4. Puisque cette règle est incontestable et que telle est très-certainement la manière dont la sainte Écriture entend l’homonymie, montrons comment notre sage père a imité la vie de Jean-Baptiste, et comment par suite il mérite mieux que personne de porter le nom du saint précurseur. Jean n’avait ni table, ni lit, ni maison sur terre ; or, notre père n’en a jamais eu non plus. Vous m’en êtes témoins, vous tous qui savez de quelle manière il a vécu de la vie des apôtres, n’ayant rien en propre, vivant de la charité des fidèles et ne s’occupant que de la prière et de la prédication de la parole. Celui-là prêchait au-delà du fleuve, attirant la foule au désert, celui-ci, un jour, a entraîné toute la cité au-delà du fleuve et l’a édifiée par ses salutaires enseignements. Celui-là fut mis en prison et eut la tète tranchée à cause de sa franchise dans la défense de la loi de Dieu ; mais celui-ci a été plus d’une fois banni de sa patrie, pour son courage à confesser la vraie foi, je dirai même qu’il a donné plusieurs fois sa tête pour la même cause, sinon de fait au moins par la résolution. Les ennemis de la vérité, ne pouvant supporter la force de sa parole, lui ont mille fois tendu des embûches, et s’il n’y a pas succombé, c’est que le Seigneur l’a toujours délivré. Parlons maintenant de cette langue par laquelle il fut tant de fois mis en péril et toujours sauvé. On pourrait sans se tromper dire d’elle ce que Moïse a dit de la terre promise ; Moïse a dit : Terre où coulent le lait et le miel. (Exo. 3,8) Disons que de sa langue coulent le lait et le miel. Mais afin que nous puissions nous abreuver de lait et nous rassasier de miel, arrêtons ici notre discours et prêtons l’oreille à cette lyre, à cette trompette apostolique. Lorsque je songe au charme de sa parole, je dis que c’est une lyre, lorsque je veux exprimer la force de ses pensées, je dis que c’est une trompette guerrière, telle que celle qu’avaient les Hébreux lorsqu’ils firent tomber les murs de Jéricho. De même qu’en cette circonstance le son des trompettes frappant les pierres avec plus de violence qu’un feu dévorant, consuma et