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ÉLOGE DE DIODORE, ÉVÊQUE DE TARSE, en réponse à des paroles élogieuses que le même Diodore avait prononcées à l’adresse de saint Jean Chrysostome L’AN 392.



1. Ce sage et généreux maître[1], vous l’avez vu naguère, oubliant ses infirmités corporelles, monter à cette chaire, insérer mon éloge dans l’exorde de son discours, m’appeler un autre Jean-Baptiste, et la voix de l’Église, et la baguette de Moïse, et me combler de toutes sortes de louanges les plus pompeuses. Et il me louait et vous applaudissiez, et moi assis au loin, je soupirais amèrement. Il me louait, mu par sa tendresse pour un fils, vous applaudissiez par charité pour un de vos frères, et moi je soupirais accablé du poids de tant d’éloges. Les grandes louanges non moins que les grands péchés ont coutume d’exciter le remords dans la conscience. Lorsque l’on ne se sent aucun mérite et que l’on entend les autres dire le plus grand bien de soi, alors on compare l’opinion actuelle des hommes et le jugement de ce dernier jour où tout sera mis à nu et découvert : alors on songe que le Juge suprême prononcera sa sentence non d’après l’opinion du grand nombre, mais selon la vérité des choses : Ce n’est pas d’après la renommée et la rumeur qu’il accusera, dit le prophète (Isa. 11,3) ; ces réflexions me font trouver amères la louange et la bonne renommée, tant je vois qu’elles s’éloignent de la sentence qui sera portée un jour. Maintenant nous sommes cachés sous notre réputation comme sous un masque : mais en ce jour, c’est la tête nue, et tout masque arraché, que nous comparaîtrons devant le tribunal redoutable ; quelque bonne réputation dont nous jouissions ici elle ne nous servira de rien en ce moment-là, que dis-je ? nous serons même plus sévèrement punis, lorsque ces éloges publics et cette brillante renommée n’auront pas contribué à nous rendre meilleurs.
2. Je soupirais donc amèrement, plongé dans ces réflexions. C’est pourquoi je me hâte aujourd’hui de détruire dans vos esprits l’opinion trop favorable que ce que vous avez entendu, a pu vous donner de moi ; une couronne trop grande pour la tête qui la reçoit, ne s’adapte pas bien aux tempes, ne reste pas fixée sur la tête ; mais son trop de grandeur la rendant lâche, elle descend sur les yeux et finit par tomber sur les épaules laissant a tête nue et dépouillée de sa parure. C’est ce qui nous est arrivé à nous lorsqu’

  1. Diodore avait été le maître de saint Jean Chrysostome. Prêtre à Antioche, il avait courageusement, et non sans péril, lutté contre les Ariens, alors puissants.