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pour des hommes dont il n’a pas dédaigné, par un effet de sa bonté infinie, de prendre la nature, et de lutter dans cette nature contre le démon ? Aujourd’hui règne par toute la terre une joie et une allégresse spirituelle. Aujourd’hui la troupe des anges et le chœur de toutes les puissances célestes tressaillent et triomphent pour le salut des hommes. Considérez donc, mes frères combien doit être grand le sujet de réjouissance, puisque les dominations célestes elles-mêmes s partagent notre fête. Oui, elles se réjouissent de nos avantages ; et si la grâce dont nous a favorisés le Seigneur nous est propre, la joie leur est commune avec nous. Voilà pourquoi elles ne rougissent pas de partager notre fête. Que dis-je ? des créatures ne rougissent pas de partager notre fête ! leur Seigneur lui-même et le nôtre ne rougit pas ! je dis plus, il désire de célébrer avec nous la fête que nous célébrons. Qu’est-ce qui le prouve ? Écoutez-le lui-même qui dit : J’ai désiré ardemment de manger avec vous cette pâque. (Lc. 22,15) Mais s’il a désiré de manger avec nous la pâque, sans doute il a désiré de la célébrer avec nous. Lors donc que vous voyez non seulement les anges, et toute la troupe des puissances célestes, mais le Seigneur lui-même des anges, partager notre fête, quelle raison auriez-vous de ne point prendre des sentiments d’allégresse ?
Ainsi, qu’en ce jour l’indigence ne soit pas un sujet d’humiliation, puisque c’est une fête spirituelle ; que l’opulence ne soit pas un motif d’orgueil, puisque les richesses ne sont d’aucune utilité pour la fête présente. Dans les fêtes profanes, dans les fêtes du monde, que l’on célèbre avec tout l’appareil d’un faste superbe, le pauvre doit être chagrin et mortifié, le riche doit être content et satisfait. Pourquoi ? c’est que l’un peut se revêtir d’habits magnifiques, et faire servir des repas somptueux, tandis que l’indigence du pauvre le met hors d’état d’étaler tout ce faste. Ici, au contraire, il n’y a rien de tel ; toute distinction est bannie ; la même table est servie au pauvre et au riche, à l’esclave et à l’homme libre. Êtes-vous riche, vous n’avez aucun avantage sur le pauvre ; êtes-vous pauvre, vous n’aurez pas moins de privilège que le riche : votre indigence ne diminue rien de la joie que fait goûter un festin spirituel, où domine la grâce céleste, cette grâce qui ne connaît pas la distinction des personnes. Que dis-je ? la même table est servie au riche et au pauvre ! la même table est servie au prince dont le front est ceint du diadème, qui est revêtu de la pourpre, qui commande à toute la terre, et à l’indigent même qui attend les effets de la pitié publique ; car, telle est la nature des dons spirituels, qu’ils ne se distribuent pas selon la dignité du rang, mais suivant les dispositions du cœur. L’indigent et le prince participent aux divins mystères avec la même confiance et le même avantage. Que dis-je ? avec le même avantager le pauvre y apporte souvent plus de confiance. Pourquoi ? c’est que le prince, obsédé de mille affaires qui le distraient, investi de soins et d’embarras, au milieu d’une mer orageuse dont les flots viennent sans cesse l’assaillir, est exposé à commettre une infinité de péchés ; au lieu que le pauvre, affranchi de tous ces liens, occupé seulement de sa nourriture journalière, menant une vie tranquille et paisible, placé comme dans un port où il jouit du plus grand calme, approche de la table sainte pénétré de sentiments religieux. Mais il est encore d’autres sources d’humiliation et de peine pour l’indigent dans les fêtes de ce siècle. non seulement l’abondance et la délicatesse de la table, mai ; encore le luxe et la magnificence des habits, inspirent au riche une satisfaction qui mortifie le pauvre. Lorsque le pauvre voit un riche superbement vêtu, c’est pour lui une grande douleur : il se trouve malheureux, il maudit mille fois son sort. On ne tonnait pas cette tristesse dans les fêtes de la religion, parce qu’les chrétiens sont tous revêtus du même habit spirituel et sacré : Vous tous, s’écrie saint Paul, qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous avez été revêtus de Jésus-Christ. (Gal. 3,27)
4. Ne déshonorons donc pas cette fête, je vous en conjure ; mais prenons des sentiments dignes des faveurs dont nous comble la grâce de Jésus-Christ. Ne nous livrons pas aux excès du boire et du manger ; mais, considérant la libéralité du Maître commun, qui honore également les pauvres et les riches, les esclaves et les hommes libres, qui répand ses dons également sur tous, tâchons de reconnaître les bienfaits d’un Dieu qui nous témoigne tant d’amour. Et nous ne pouvons mieux les reconnaître que par une vie qui lui soit agréable, par beaucoup d’attention et fie vigilance. Il n’est pas besoin, dans la solennité que nous célébrons, de richesses et de grands frais, mais d’une volonté