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point Dieu qui excitait son courage, ils ne voyaient point cette âme généreuse, céleste, et pleine de la divine sagesse ; il les quitte et s’adresse à d’autres. On le conduit au roi, qu’il trouve mourant de crainte. Il ranime d’abord ses esprits en lui disant : Que le cœur de mon seigneur ne soit point abattu ; car ton serviteur ira et combattra contre cet étranger. (1Sa. 17,32) Mais comme le roi désespérait et disait : Tu ne pourras marcher contre lui tu n’es qu’un enfant, tandis qu’il connaît la guerre depuis sa jeunesse (Id. 33). David alors, ne sachant comment exécuter son projet, est obligé de faire son propre éloge. Il ne le voulait point faire ; car nous voyons qu’auparavant il ne parle de ses actes de courage ni à ses frères, ni aux soldats, ni au roi lui-même, si ce n’est quand il le voit manquer de confiance, s’opposer à ses desseins et l’empêcher de marcher contre l’ennemi. Que pourrait-il faire ? taire ses louanges ? Mais il n’eût point obtenu la permission de combattre et de délivrer son peuple du péril qui le menaçait. Il garde le silence aussi longtemps qu’il faut ; mais quand la nécessité triomphe, il parle, il dit au roi : Je gardais les troupeaux, moi, ton serviteur, dans les pâturages de mon père, et quand survenait un lion ou un ours qui enlevait une brebis de mon troupeau, je le poursuivais, je le frappais, j’arrachais la proie à ses dents, je le saisissais à la gorge et le tuais. Ton serviteur a frappé le lion et l’ours. Cet étranger incirconcis périra comme eux. (1R. 17,34-36) Vous voyez comme il montre la cause qui lui fait entreprendre sa propre louange ? Alors seulement le roi prit confiance et lui permit d’aller combattre. Il alla, combattit et vainquit. S’il n’eût point fait son propre éloge, le roi n’aurait pas eu confiance en ce combat ; n’y ayant point confiance, il ne lui eût pas permis de descendre en lice ; lui refusant cette permission, il eût empêché un succès ; le succès empêché, Dieu n’eût point alors été glorifié, ni le peuple délivré du danger qu’il courait. Ainsi ce fut pour empêcher tant d’événements d’arriver contre l’ordre souverain que David fut obligé de faire son propre éloge. Car les saints savent se taire quand il n’y a point nécessité de parler, et rompre le silence quand la nécessité les contraint.
8. Nous voyons non seulement David, mais encore Samuel se conduire de même sorte. Pendant longues années, par la volonté de Dieu, il gouverna le peuple juif, sans jamais parler de ses grandes actions, quoiqu’il en eût beaucoup à proclamer s’il l’avait voulu : l’éducation de son enfance, son séjour dans le temple, le don de prophétie qu’il reçut au berceau, ses guerres, les victoires qu’il remporta moins par la force des armes que par la bonté du Seigneur qui combattit avec lui. Il s’abstint de vanter ces mérites jusqu’au moment où il quitta le pouvoir et le transmit aux mains d’un successeur. Alors il fut obligé de faire son propre éloge, et avec quelle discrétion ! Il appela le peuple, fit venir Saül, et dit : Voici que j’ai entendu votre voix et que je vous ai donné un roi. J’ai vécu devant vous depuis ma jeunesse jusqu’à ce jour, et j’ai vieilli. Déclarez maintenant devant le Seigneur et devant son Christ si j’ai reçu le veau ou l’âne de personne d’entre vous, si j’ai opprimé quelqu’un par la violence, si j’ai accepté de quelqu’un des présents, des chaussures et fermé les yeux sur ceux qui me les donnaient ? Portez témoignage contre moi et je vous rendrai ces présents. (1Sa. 12,1-3) Et quelle nécessité de parler ainsi, dites-vous ! Elle est grande et pressante. Sur le point de mettre Saül à la tête du peuple, il veut, par son apologie, lui apprendre comme il faut régner et prendre soin de ses sujets, et c’est pourquoi il appelle ses sujets à témoigner de la sagesse de son gouvernement. Et il ne le fait point tant qu’il conserve le pouvoir, car on pourrait dire que la crainte et la terreur ont fait porter de faux témoignages. C’est du moment que son autorité cesse et passe en d’autres mains, au moment qu’on peut en sécurité porter une accusation contre lut, qu’il se fait juger au tribunal de ceux qui ont été ses sujets. Et s’il eût été autre, il aurait montré du ressentiment contre les Juifs, et n’aurait pas engagé son successeur à être juste et modéré, non seulement pour satisfaire son ressentiment, mais pour gagner plus de louanges à la comparaison.
9. Car c’est une dangereuse maladie des rois ; de souhaiter que leurs successeurs soient méchants et pervers. Ont-ils été grands princes, ils s’imaginent que leurs vertus auront plus d’éclat si leurs successeurs ne leur ressemblent pas. Ont-ils été méchants et corrompus, ils espèrent trouver leur défense dans la perversité de celui qui règne après eux. Tel n’était pas ce saint homme. Il voulait, il souhaitait, il