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jusqu’au fait même, mais Abraham s’attendait à le voir consommé, il n’en supportait pas moins avec courage toutes les épreuves ; ni le malheur ne pouvait l’abattre, ni la bonne fortune le gonfler d’orgueil, mais il conservait en toutes circonstances une admirable égalité d’âme. Ce n’est pas tout, lorsqu’il lui fut annoncé qu’il aurait un fils, son esprit ne lui montrait-il pas mille obstacles qui s’y opposaient ? Mais n’a-t-il pas apaisé ses raisonnements, calmé leur tumulte, et brillé ainsi de tout l’éclat de la foi ? Lorsqu’ensuite il reçut l’ordre d’offrir son fils en holocauste, n’a-t-il pas mis à le mener au sacrifice tout l’empressement qu’il aurait mis à le marier, à le conduire au lit nuptial ? n’a-t-il pas pour ainsi dire dépouillé sa nature et cessé d’être homme ? n’a-t-il pas offert au Seigneur un sacrifice nouveau et extraordinaire ? n’a-t-il pas, à lui seul, supporté tout le poids de la lutte, sans vouloir appeler à son aide sa femme, son esclave ou tout autre ? Il savait, oui, il savait clairement combien était profond le précipice qui s’ouvrait sous ses pieds, combien lourd le fardeau qui lui était imposé, combien terrible le combat qu’il allait soutenir, et c’est parce qu’il le savait qu’il a voulu parcourir seul toute la carrière, qu’il l’a parcourue, qu’il a combattu, qu’il a remporté la couronne, qu’il a été proclamé vainqueur. Quel prêtre lui a enseigné cette foi ? quel docteur ? quel prophète ? aucun ; mais, comme il avait une âme forte, il s’est suffi à lui-même en toute occasion. Que dire de Noé ? quel prêtre, quel docteur, quel maître l’a instruit ? N’a-t-il pas, par ses seules forces, alors que tout l’univers était rempli de crimes, suivi une voie tout opposée à celle qu’il voyait suivre ? n’a-t-il pas cultivé la vertu ? n’a-t-il pas brillé d’un, tel éclat au milieu des hommes, qu’il a pu sortir lui-même sain et sauf de la ruine commune de toute la terre, et, par sa sublime vertu, arracher beaucoup d’autres que lui aux dangers qui les menaçaient ? De qui a-t-il appris à être juste, à être parfait ? De quel prêtre, de quel docteur a-t-il reçu l’enseignement ? D’aucun que tu puisses citer. Voyez au contraire son fils ! bien qu’il ait eu sous les yeux, pour l’instruire sans cesse, la vertu d’un tel père, bien qu’il ait entendu les leçons que Noé lui donnait par ses actions comme par ses paroles, bien qu’il ait eu pour l’exhorter la voix puissante des événements, celle de la perte du genre humain, celle du salut de sa famille, il se montra cependant coupable envers lui, se moqua de sa nudité, et la livra à la risée. (Gen. 9,22) Ne vois-tu pas qu’on a toujours besoin d’avoir une âme forte et généreuse ?
Mais parlons de Job. Dis-moi, quels prophètes avait-il entendus ? quel enseignement avait-il reçu ? aucun. Cependant, quoique privé de ces secours, il s’est montré d’une scrupuleuse exactitude dans l’observation de tous les devoirs. Il a partagé avec les pauvres tous ses biens, il à fait plus ; il a mis son corps à leur service, car il recevait les voyageurs, et sa maison leur appartenait plus qu’au possesseur lui-même. Il employait la vigueur de son corps à défendre les opprimés ; par la sagesse et la modération da sa parole, il réduisait au silence les calomniateurs ; enfin, il faisait briller dans toutes ses actions une conduite vraiment évangélique. En effet, le Christ dit : Bienheureux les pauvres d’esprit (Mat. 5,3) ! et o'est ce dont Job a montré la vérité par tout ce qu’il a fait. Si j’avais dédaigné, dit-il, de faire droit à mon serviteur et à ma servante, quand ils ont contesté avec moi, qu’eussé-je fait, quand le Dieu fort se serait levé ? et quand il m’aurait demandé compte, que lui aurais-je répondu ? Celui qui m’a créé dans le sein de ma mère, n’a-t-il pas fait aussi celui qui me sert ? Nous avons été formés de même dans le sein maternel. (Job. 31,13-15) Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre ! (Mt. 5,4) Qui a donc été plus doux que celui dont ses serviteurs disaient : Qui nous, donnera de sa chair ? nous n’en saurions être rassasiés (Job. 31,31), tant ils avaient pour lui un ardent amour ! Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés ! (Mat. 5,5) Ce, mérite ne lui a pas manqué plus que les autres. Ecoute-le en effet : Quand j’ai péché volontairement, ai-je redouté la foule du peuple pour ne pas raconter mon iniquité? (Job. 31,33-34) Un homme ainsi disposé devait évidemment verser une grande abondance de larmes. Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice ! (Mat. 5,6) Tu vois que cette parole s’est admirablement vérifiée en lui. J’ai brisé, dit-il, les mâchoires de l’injuste, et je lui ai arraché la proie d’entre les dents. (Job. 29,17) Je m’étais revêtu de la justice ; mon équité était comme un manteau qui me servait de vêtement. (Id. 14) Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu’ils