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qui me couvre de honte et me livre au supplice. Sans avoir pu plaider ma cause, je suis, quoiqu’innocent, jeté dans une prison où, chargé de chaînes, je dois vivre avec des adultères, des meurtriers, des criminels souillés de tous les forfaits. Cependant le premier échanson est relâché, la prison s’ouvre pour lui, et moi, je ne puis pas, même après lui, obtenir de trêve à mes souffrances ; il a vu s’accomplir les promesses de son rêve, selon l’interprétation que j’en avais donnée, et moi je reste accablé de maux intolérables ! Est-ce là ce que m’avaient annoncé rues songes ? Est-ce là ce que me présageaient et les astres et les gerbes de blé ? Où sont les promesses du Seigneur ? où sont ses paroles ? Serais-je donc trompé ? serais-je donc abusé ? Car comment mes frères se prosterneraient-ils devant moi, pauvre esclave chargé de chaînes, condamné comme adultère, sans cesse en péril de mort et si éloigné de la terre qu’ils habitent I Les promesses de Dieu ont péri et s’en sont allées au néant. Non, il n’a rien dit, rien pensé de tel ; mais il attendait la fin, de toutes ces choses en homme assuré que la sagesse de Dieu est infinie ; que ses ressources sont innombrables ; et non-seulement il ne se scandalisait pas, mais même il était fier et glorieux de ses maux. Que dire de David ? N’avait-il pas été sacré roi ? n’avait-il pas été désigné par le suffrage de Dieu ? ne tenaient-ils pas le sceptre au milieu des Juifs ? n’avait-il pas remporté sur le barbare Goliath un glorieux triomphe ? Cependant voilà qu’il souffre les maux les plus cruels, entouré d’ennemis, environné de pièges par Saül, courant risque de la vie, entraîné dans les combats les plus périlleux, sans cesse chassé dans le désert, errant, fugitif, sans cité, sans pays, habitant une terre étrangère : Qu’ai-je besoin d’en dire plus ? Enfin, il n’avait plus de patrie, il avait perdu tout son royaume, il vivait au milieu d’ennemis barbares acharnés à sa perte, il supportait une vie plus triste que la servitude : car il manquait des premiers aliments, et il endurait ces souffrances après que Samuel lui était apparu, après qu’il l’avait oint de l’huile sainte, après qu’il avait reçu la promesse de la royauté, après qu’il avait tenu le sceptre et porté le diadème, après que Dieu l’avait élu et lui avait donné son suffrage. Cependant tant de malheurs n’ont pu le scandaliser, et il ne s’est pas dit : Pourquoi donc tous ces maux ? Moi, souverain, moi, qui devais posséder un si grand empire, je ne puis pas même avoir la sécurité du simple citoyen ; mais errant, fugitif, sans cité, sans pays, habitant une terre étrangère, chassé dans un pays barbare, je manque de la nourriture nécessaire, et chaque jour Je vois suspendus sur ma tête les plus grands dangers. Où sont les promesses de royauté ? où sont les paroles qui me disaient d’espérer un empire ? – Non, il n’a rien dit, rien pensé de tel ; il ne s’est pas scandalisé de ce qui arrivait, mais il a attendu l’accomplissement des promesses. J’en pourrais citer mille autres qui, tombés dans des maux terribles, bien loin de se troubler, ont continué d’avoir confiance dans les paroles du Seigneur, même lorsqu’ils voyaient que les faits étaient contraires aux promesses. Grâce à leur patience, ils ont remporté de glorieuses couronnes. Vous donc aussi, vous que j’aime, attendez la fin : car tout sera accompli, soit maintenant, soit plus tard. Humiliez-vous devant l’incompréhensible providence de Dieu, ne dites pas : Quel remède pourra-t-il trouver à de si grands maux ? et ne recherchez pas curieusement par quelles voies le Seigneur accomplit ses miracles.
11. Les justes dont je viens de parler n’ont recherché ni pourquoi, ni comment s’accompliraient les promesses du Seigneur ; mais, lors même qu’ils voyaient que tout était désespéré aux yeux de la raison humaine, ils ne se troublaient pas, ils ne s’effrayaient pas, ils supportaient courageusement toutes les épreuves, ils s’en remettaient à l’avenir, assurés que la parole du Tout-Puissant ne saurait faillir, et ne se laissaient pas abattre dans le moment même par les événements contraires. Ils étaient en effet pleinement convaincus que Dieu a dans sa sagesse des ressources infinies, qu’il peint, même après avoir tout obscurci, remettre tout dans un plus beau jour, et qu’il lui est très-facile de mener à leur fin ses promesses. Toi aussi, mon ami, si dès cette vie tu vois finir ce qui t’afflige, glorifie le Seigneur ; si au contraire les malheurs s’ajoutent aux malheurs, glorifie-le encore et ne te scandalise pas, persuadé que la providence de Dieu est infinie, qu’aucune expression ne peut la rendre, et que toutes choses auront la fin que réclame la justice soit maintenant, soit plus tard. Que si quelqu’un, en m’entendant dire : Plus tard, s’imagine dans sa petite intelligence