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trompé ? est-ce qu’on m’abuse ? est-ce là l’ordre de Dieu ? Non, – et je n’obéirai pas : il est impossible que je sois le meurtrier de mon fils, que je rougisse ma main d’un sang si précieux ! Comment donc la promesse aurait-elle son accomplissement ? si je coupe la racine, comment y aura-t-il des branches, comment y aura-t-il des fruits ? Si je comble la source, que d’où viendra le fleuve ? Si je fais mourir mon fils, comment aurai-je une postérité si féconde, que le nombre de mes descendants égale le nombre des étoiles ? Abraham n’a rien dit, rien pensé de tel ; mais, s’en remettant de nouveau à la puissance de Celui qui lui avait fait cette promesse, à cette puissance infinie si riche en moyens, si féconde en ressources, et qui, éclatante de lumière à travers les obstacles mêmes, supérieure aux lois de la nature et plus forte que tout ce qui existe, ne trouve rien qui lui puisse résister, il a rempli cet ordre avec une pleine assurance, il a égorgé son fils, il.a ensanglanté sa main, il a rougi son glaive, il a enfoncé son épée dans le cou de la victime ; oui, il a fait tout cela, sinon en action, du moins en intention. Aussi Moïse l’exalte et dit : Il arriva après ces choses que Dieu éprouva Abraham et cria : Abraham ! et il répondit : me voici ; et Dieu lui dit : Prends maintenant ton fils unique, le fils de tes affections, Isaac, pour l’offrir en holocauste sur une des montagnes que je te dirai. (Gen. 22,1-2) Est-ce là la parole de la promesse par laquelle Dieu lui disait qu’il serait le père d’une féconde postérité et que ses descendants égaleraient en nombre les étoiles du ciel ? Mais vois comment, après avoir reçu ce commandement, il accepta d’immoler le fils qui devait lui donner une telle postérité, de le ravir à la lumière et de l’offrir en holocauste à Dieu. Saint Paul, exaltant et proclamant ses louanges, s’exprime en ces termes :C’est, par la foi qu’Abraham offrit Isaac lorsque Dieu voulut le tenter. (Heb. 11,17) Ensuite, pour montrer toute la grandeur de son action, toute la vivacité de la foi dont il fit preuve, il ajoute : Car c’est son fils unique qu’il offrait : lui qui avait reçu les promesses du Seigneur.
Ce qu’il veut exprimer par ces paroles, le voici : On ne peut pas dire qu’Abraham avait deux enfants chéris, et que, le premier étant sacrifié, il espérait que le second le rendrait père d’une nombreuse postérité ; non, il n’avait que ce fils, en lui seul était placée toute l’espérance qu’on pouvait avoir en l’accomplissement de la parole de Dieu, et pourtant il né craignit pas de l’immoler ; de même que ni le dépérissement de sa vigueur, ni la stérilité dont était frappé le ventre de Sara, n’avaient pu l’empêcher de croire à la paternité que Dieu lui, ordonnait d’espérer, ainsi dans cette occasion la mort même de son fils ne pouvait lui enlever sa confiance. Compare cette conduite avec celle des hommes qui nous entourent, et tu verras quelle pusillanimité est la tienne, quelle petitesse d’âme ont ceux qui se scandalisent aujourd’hui, et tu comprendras clairement que si le scandale t’atteint, la seule cause en est que, loin de t’humilier devant les mystères de la divine Providence, tu recherches partout la manière dont se déroule le plan de la création, tu veux connaître toutes les raisons de toutes les choses, tu portes ta curiosité sur tout ce qui existe : Si Abraham avait agi comme tu fais, il aurait chancelé dans sa foi, mais tout autre a été sa conduite, aussi a-t-il obtenu une gloire éclatante, et a – t – il vu s’accomplir les promesses du Seigneur ; il ne s’est scandalisé ni à cause de son âge, ni à cause de l’ordre qu’il reçut ensuite ; il n’a pas cru que le sacrifice d’Isaac arrêterait l’effet des promesses du Seigneur et il n’a pas désespéré de la parole divine, bien que la fin des choses fût proche pour lui. Ne viens pas me dire que Dieu n’a pas permis, que son commandement fût exécuté ni que la main du juste fût ensanglantée, mais considère qu’il ignorait, qu’il ne savait pas qu’il obtiendrait la vie de son fils et le ramènerait dans sa demeure, qu’au contraire il s’était fait tout entier à l’exécution du sacrifice qui lui était ordonné. C’est pour cela que la voix de l’ange cria par deux fois son nom du haut du ciel, car l’ange ne dit pas seulement : Abraham, mais : Abraham, Abraham ; car, comme toute son attention était tournée vers le sacrifice, il fallut l’appeler par deux fois pour arracher son esprit à la préoccupation qui le remplissait : tant il s’était porté tout entier à l’exécution du commandement du Seigneur ! Tu vois donc qu’il l’exécuta complètement en intention, et que jamais cependant il ne fut scandalisé ; pourquoi ? parce qu’il ne chercha pas à pénétrer les desseins cachés de Dieu.
Parlons maintenant de Joseph. Dis-moi : ne lui est-il pas arrivé quelque chose de semblable ? A lui aussi bien promit une grande