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alors la moisson est luxuriante, la faux est aiguisée et le blé qui a été répandu çà et là, laissé sans gardien, livré à la pourriture et à la corruption, abandonné dans la boue, a germé, s’est multiplié, a reparu brillant, a repris son ancienne splendeur, s’est dressé dans la plaine avec une grande vigueur, et déjà il est comme entouré de satellites, comme recouvert d’un vêtement brillant ; il porte la tête dans les airs, et réjouit l’œil du cultivateur qui va en retirer une nourriture abondante et un grand gain. À ce spectacle, quel ne sera, pas l’étonnement de notre ignorant, lorsqu’il verra que le grain de blé a passé par de telles vicissitudes pour arriver à tant de fécondité et de beauté ! Averti par cet exemple, garde-toi, ô homme, de soumettre à ton examen le Maître qui nous gouverne tous. C’est là ce qu’il y a de plus sage. Mais si tu es assez opiniâtre, assez téméraire pour vouloir satisfaire un désir si déraisonnable, attends du moins la fin des choses. Le laboureur attend tout l’hiver en arrêtant sa pensée non pas sur les souffrances de blé pendant la saison du froid, mais sur la douce influence qui le ranimera au beau temps.: à plus forte raison devrais-tu attendre la fin, lorsqu’il s’agit de Celui qui cultive toute la terre ; qui prend soin de toutes les âmes. Quand je dis : la fin, je ne parle pas seulement de cette vie mortelle (bien que souvent dès cette vie les œuvres de Dieu aient leur fin), mais aussi de la vie future. Car ces deux vies sont ordonnées en vue d’une seule fin qui est notre salut et notre gloire. Bien qu’elles soient divisées par les temps, elles sont réunies par le but, et de même qu’il y a dans l’année un hiver et un été, mais que ces deux saisons concourent à une même fin, qui est la maturité des fruits, de même notre vie aussi a deux saisons et une seule fin. Lors donc que tu vois l’Église dispersée et endurant les maux les plus cruels, les chrétiens qui font sa gloire, persécutés et frappés de verges, son chef relégué au loin, n’arrête pas seulement ton esprit sur ces malheurs ; considère aussi les biens qui en résulteront, les couronnes, les récompenses, les prix réservés aux vainqueurs. Car celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé (Mat. 10,22), dit Jésus. Dans l’Ancien Testament, comme le dogme de la résurrection n’était pas encore connu, tout avait sa fin dans cette vie ? Dans le Nouveau, il n’en est pas toujours ainsi, et quelquefois le malheur afflige cette vie, le bonheur est réservé à l’autre. Mais bien que chez les Juifs le bonheur se trouvât toujours sur cette terre et pour cette vie, voici en quoi auraient été le plus digne d’admiration ceux qui n’auraient pas voulu en jouir : ne connaissant pas encore le dogme de la résurrection, et voyant que les faits allaient à l’encontre des promesses de Dieu, ils auraient surtout mérité tout éloge, s’ils ne s’étaient ni scandalisés, ni troublés, ni effrayés de ce qu’ils avaient sous les yeux ; s’ils avaient humilié leur esprit devant l’incompréhensible providence du Seigneur, si, sans permettre que ce spectacle des faits leur fût une occasion de scandale, restant assurés malgré tout de la grandeur de la sagesse divine et de ses ressources inépuisables, ils avaient attendu la fin, ou mieux, avant de voir arriver la fin, avaient supporté avec reconnaissance tous les malheurs qui pouvaient les affliger, et n’avaient pas cessé de glorifier Celui qui leur envoyait ces souffrances. Peut-être ces paroles sont-elles obscures pour votre esprit. Je vais donc m’efforcer de les rendre plus claires.
10. Comme Abraham était chargé d’années et que sa vieillesse l’avait rendu comme mort aux joies de la paternité : car il n’était pas plus en état d’être père que les morts eux-mêmes ; comme donc ce juste était vieux et très-vieux, qu’il avait dépassé de beaucoup les limites naturelles de l’âge où l’on peut encore avoir des enfants, et qu’il avait dans Sara une épouse plus stérile que la pierre, Dieu lui promit de lui donner une postérité si féconde, que le nombre de ses descendants égalerait le nombre des étoiles du ciel. (Gen. 15,5) Les plus grands obstacles s’opposaient à l’accomplissement de cette promesse, puisque le patriarche avait atteint les dernières limites de l’âge, et que sou épouse était doublement stérile, par vieillesse et par nature. En effet, ce n’était pas seulement la vieillesse qui la rendait stérile, c’était aussi sa nature, puisque dans sa jeunesse, elle n’avait pas pu enfanter. Elle était donc inféconde, c’est ce que saint Paul faisait entendre, par ces paroles : Le ventre de Sara était comme mort. (Rom. 4,19) Il ne dit pas seulement Sara, car tu pourrais croire qu’il fait allusion à son âge ; il dit : le ventre de Sara, car sa Stérilité ne vient pas seulement de vieillesse, mais de nature. Malgré qu’il y eût, comme je l’ai dit, de si grands obstacles, comme Abraham savait ce que c’est que la promesse du Seigneur, combien elle a de ressources et d’expédients,