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parcourions les montagnes, qui sont si nombreuses et si riches en métaux, et que nous portions notre investigation sur toutes les 'autres choses bien plus nombreuses encore qu’on voit dans la nature, quel discours serait le nôtre, quel espace de temps suffirait pour approfondir un si vaste sujet ! Et tout cela, ô homme l a été créé pour toi. Pour toi, ont été inventés les arts et les métiers ; pour toi, ont été fondés les villes et les bourgs ; pour toi, a été fait le sommeil ; pour toi, la mort ; pour toi, la vie et la croissance ; pour toi, les œuvres admirables de la nature ; pour toi, le monde tel que tu le vois aujourd’hui,, pour toi encore, – le monde avec les nouvelles perfections qu’il recevra : car il recevra de nouvelles perfections, et cela, pour toi. C’est ce que t’apprend l’apôtre Paul ; écoute-le : La créature sera délivrée elle-même de l’esclavage de la corruption (Rom. 8,21), c’est-à-dire : elle ne sera plus assujettie à être corrompue. Et, comme il veut montrer que c’est pour toi qu’elle recevra une faveur si grande, il ajoute : Pour la glorieuse liberté des enfants de Dieu. Si je ne craignais de rendre ce discours trop long et de dépasser toute mesure, j’aurais parlé longuement de la mort, et j’aurais montré qu’elle est une très-grande preuve de la sagesse et de la providence de Dieu ; je me serais étendu sur cette corruption, sur cette pourriture, sur ces vers, sur cette cendre du tombeau, qui arrachent le plus de plaintes et de gémissements à la plupart des hommes : car ils ne peuvent se résigner à la pensée que nos corps deviendront cendre et poussière et seront la pâture des vers. J’aurais tiré de là une démonstration de la providence et de la sagesse de Dieu. En effet, elle vient de la même providence, de la même bonté qui nous a tirés du néant lorsque nous n’étions pas encore, cette loi qui nous ordonne, de mourir et de quitter la terre. Bien que la vie et la mort diffèrent, elles sont pourtant toutes deux l’œuvre de la même bonté ; car, pour celui qui quitte la vie, la mort n’est pas un mal, et pour celui qui vit encore, elle est un très-grand bien. Le vivant tire profit pour lui-même du cadavre des autres : lorsqu’il voit que celui qui, hier ou avant-hier, marchait à ses côtés, est devenu la proie des vers et se dissout en pourriture, en poussière et en cendre, quand même il aurait l’orgueilleuse démence de Satan, il faut qu’il tremble, qu’il tressaille, qu’il se modère, qu’il apprenne à être sage, qu’il introduise dans son âme l’humilité, cette mère des vrais biens. Ainsi, celui qui quitte la vie n’est lésé en rien, car il doit recouvrer ce corps, mais incorruptible et immortel ; et celui qui reste dans la carrière retire un très-grand avantage de ce qui n’est nullement un mal pour celui qu’il voit mourir. En effet, c’est une éloquente maîtresse de sagesse que la mort, soit pour régler notre vie, soit pour réprimer les passions de l’âme, pour apaiser leurs flots furieux et rendre le calme à celte mer agitée.
Puis donc que, par ces preuves et par beaucoup d’autres plus nombreuses encore, la Providence divine brille plais éclatante que le soleil, ne donne pas carrière à une curiosité inutile, ne poursuis pas une vaine recherche, n’essaye pas de connaître la raison de toutes choses. Nous vivons, et cette vie dont nous jouissons est un effet de sa pure bonté, puisqu’il n’avait pas besoin de nos services. Il faut donc l’admirer et l’adorer, non-seulement parce qu’il nous a créés, parce qu’il nous a donné une âme immatérielle et raisonnable, parce qu’il nous a faits supérieurs à tous les animaux, qu’il nous a établis les rois de la création et qu’il l’a accordée tout entière à notre usage, mais aussi parce qu’il nous a créés n’ayant nul besoin de nous. Oui, sa bonté a cela d’admirable, que, n’ayant nul besoin de nos services, il nous a donné la vie ; car, avant la naissance des hommes, des anges et des autres esprits célestes, il jouissait de toute sa gloire et de toute sa félicité, et c’est par pur amour qu’il nous a donné la vie, qu’il a fait pour nous toutes ces choses, et tant d’autres bien plus nombreuses encore !
8. C’est encore par un effet de cette bonté que Dieu nous a donné la loi écrite, qu’il nous a envoyé les prophètes, qu’il a fait ses miracles. Mais môme avant tout cela, dès qu’il eut créé l’homme il grava en lui la loi naturelle pour le diriger comme le pilote dirige le vaisseau, comme l’écuyer dirige le cheval. Ainsi Abel lui-même a connu, Dieu : cependant les lettres n’étaient pas encore inventées, les prophètes et les apôtres n’avaient point paru, aucune loi écrite n’était établie : mais il possédait la loi naturelle. Il en est de même pour Caïn ; car lui aussi connut Dieu. Tous les deux savaient ses prescriptions, et reconnaissaient sa souveraineté, mais tous les deux ne suivirent pas la même voie : l’un prit celle du vice,