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même est d’un amour extrême. Mais il ne s’arrête pas là, il va plus loin, et se servant d’une comparaison encore plus grossière, il dit : La joie que le jeune époux trouve en sa jeune épouse, le Seigneur[1] la trouvera en vous. (Isa. 62,5) Parce que c’est dans leurs commencements que les affections sont les plus vives, les plus ardentes, les plus enflammées. Il parle ainsi, non pas pour que tu t’imagines qu’il y a en lui rien d’humain (car je ne cesserai pas de te le répéter), mais pour que tu connaisses ainsi toute la chaleur, toute la sincérité, toute la vivacité, toute l’ardeur de son amour. Ensuite il ajoute qu’il aime comme un père et plus qu’un père, comme une mère et plus qu’une mère, comme un jeune époux et plus qu’un jeune époux, et qu’il surpasse la tendresse d’un jeune époux d’autant que le ciel est élevé au-dessus de la terre, et plus que cela encore, d’autant que l’orient est éloigné de l’occident, et plus que cela encore. Il ne s’arrête pas même là dans ses comparaisons, il va plus loin et se sert d’un exemple plus grossier encore. Car, comme Jonas, après sa fuite et la réconciliation de Dieu avec les habitants de Ninive, voyait que ses menaces restaient sans effet, et que, sombre, inquiet, hors de lui, il cédait à l’infirmité de la nature humaine, le Seigneur ordonna au soleil de donner plus d’ardeur à la flamme de ses rayons, ensuite il commanda à la terre de produire sur l’heure une coloquinte gigantesque qui pût ombrager la tête du prophète ; par ce moyen il ranima ses membres et mit fin à ses maux, puis il l’affligea en faisant disparaître la plante qui le couvrait, et lorsqu’il l’eut vu ainsi raffermi et abattu tour à tour, écoutez ce qu’il lui dit : Tu voudrais qu’on eût épargné la coloquinte pour laquelle tu n’as pas travaillé et que tu n’as pas fait croître ; et moi je n’épargnerais pas Ninive, jette grande ville dans laquelle il.y a plus de cent vingt mille créatures humaines, qui ne savent pas distinguer leur main droite de leur main gauche. (Jon. 4,10-11) Dieu veut dire par là : L’ombre de la coloquinte ne t’a pas rendu autant de force que le salut des habitants de Ninive m’a donné de joie, et sa perte ne t’a pas tourmenté autant que leur perte m’eût affligé : ainsi, c’est malgré moi qu’ils auraient péri. Vois-tu comme ici encore, il va au-delà de sa comparaison ? En effet, il ne dit pas seulement : Tu voudrais qu’on eût épargné la coloquinte; il ne se tait pas après ces paroles, mais il ajoute : Pour laquelle tu n’as pas travaillé et que tu n’as pas fait croître. C’est que les laboureurs ont un très-grand amour pour les plantes qui leur ont coûté le plus de fatigue ; et comme Dieu veut montrer qu’il a pour les hommes le même amour que le laboureur pour ses plantes, il ajoute réellement aux paroles qu’il a exprimées, celles-ci qu’il sous-entend : Si tu défends ainsi un ouvrage qui est d’un autre que toi, combien plus ne défendrai-je pas mon propre ouvrage, l’ouvrage de mes mains ? Ensuite il atténue la faute des habitants de Ninive et il dit qu’ils ne peuvent pas distinguer leur main droite de leur main gauche. Il déclare donc, qu’ils ont péché plutôt par simplicité que par malice, et c’est ce que prouva leur repentir. Comme il en reprenait d’autres qui gémissaient, parce qu’ils se croyaient abandonnés, il s’exprima en ces termes : Interrogez-moi sur mes fils et marquez-moi ce que je dois faire de l’ouvrage de mes mains. (Isa. 45,11) C’est comme s’il leur avait dit : Engage-t-on, exhorte-t-on un père à prendre soin de son fils ? ou un artisan, un ouvrier, à ne pas laisser périr son travail ? Ainsi lorsqu’il s’agit des hommes, si vous connaissez leur nature ou leur art, c’est assez, vous êtes assurés de leur sollicitude : et moi, vous croyez que j’ai besoin d’exhortations pour défendre mes enfants et mes œuvres ? S’il leur parle ainsi, ce n’est pas tant pour les empêcher de lui adresser leurs exhortations, que pour leur apprendre, que même avant toute exhortation, Dieu fait ce qu’il doit faire. Quant aux hommes, il veut qu’ils soient exhortés, car il sait que cela leur est-d’une grande utilité. Vois-tu comment, par ces comparaisons, la démonstration de son ineffable providence brille d’une lumière plus vive, plus éclatante que le soleil ? Considère en effet ; il a choisi pour exemples un père, une mère, un jeune époux, une jeune épouse, l’intervalle qu’il y a entre le ciel et la terre, la distance qui sépare l’orient de l’occident, le cultivateur qui se fatigue pour faire croître ses plantes, l’architecte qui voit d’avance la beauté de ses œuvres, l’amant plein de ferveur qui se trouble s’il a offensé, même en paroles, l’objet de sa passion ; puis il a été montré que l’amour de Dieu surpasse autant toutes ces choses, que la bonté est au-dessus de la méchanceté.

  1. D’autres lisent le Christ.