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très-bonnes. (Gen. 1,31) Il y avait pourtant sur la terre non-seulement de la lumière, ruais aussi des ténèbres ; non-seulement des fruits, mais aussi des épines ; non-seulement des arbres fruitiers, mais aussi des arbres stériles ; non-seulement des plaines, mais aussi des montagnes, des vallons, des gorges profondes ; non-seulement des hommes, mais aussi des reptiles venimeux ; non-seulement des poissons, mais aussi des monstres marins ; non-seulement des mers navigables, mais aussi des mers fermées à la navigation ; non-seulement un soleil, une lune et des astres, mais aussi des foudres et des éclairs ; non-seulement des zéphyrs favorables, mais aussi des vents furieux ; non-seulement des colombes et des oiseaux mélodieux, mais aussi des milans, des corbeaux, des vautours et les autres oiseaux qui se nourrissent de chair humaine ; non-seulement des brebis et des bœufs, mais aussi des loups, des panthères et des lions ; non-seulement des cerfs, des lièvres et des daims, mais aussi des scorpions, des vipères et des dragons, et, parmi les plantes, non-seulement des plantes salutaires, mais aussi des plantes vénéneuses qui devaient être pour un grand nombre d’hommes une cause de scandale et une occasion d’hérésie. Malgré cela, après que toutes choses eurent été créées et eurent reçu toutes leur genre de beauté, le Créateur, comme nous le montre Moise, loue chacune d’elles, que dis-je ? les loue l’une après l’autre, puis toutes ensemble, afin que les hommes connaissant son jugement, il n’y en ait pas un seul assez téméraire et assez impudent pour oser porter sa vaine et indiscrète curiosité sur rien de ce qui peut tomber sous les yeux. C’est pourquoi, après que la lumière eut été faite, Moïse dit : Et Dieu vit que la lumière était bonne, et ainsi pour chacune des autres choses. Ensuite, pour ne pas allonger son discours en nommant chacune de ces choses, il prononce sur tout à la fois, et il dit alors : Dieu vit toutes les choses qu’il avait faites, et elles étaient très-bonnes. Ce n’est pas que Dieu n’ait connu bonnes les choses qu’il a faites qu’après qu’il les eut faites ; non certes, car si un habile artisan, même avant, d’avoir produit ce que son art lui apprend à faire, sait que ce qu’il fera sera bon, combien plus cette ineffable Sagesse qui accomplit tout par le seul acte de la volonté, connaît-elle la bonté de son couvre, avant que son couvre ait paru. En effet, elle ne l’aurait pas faite si elle ne l’eût pas conçu. A quoi donc tendent ces paroles ? à prouver ce que j’ai avancé. Aussi, maintenant que tu as entendu le prophète te dire que Dieu a vu ces choses et qu’il les a louées, garde-toi de ne chercher jamais aucune autre marque, aucune autre preuve de leur beauté, et ne te demande pas : comment sont-elles bonnes ? car la démonstration tirée du spectacle de la création elle-même, est moins évidente que le témoignage que rendent en leur faveur la sentence et le jugement de leur Créateur. C’est pour cela que Moïse s’est servi ici de ce langage un peu grossier. Supposez qu’un homme voulant ache ter des remèdes qu’il ne connaît pas, loi ait fait montrer tout d’abord au médecin. Comme il sait que si celui-ci les approuve après les avoir examinés, il n’est pas besoin de chercher une autre preuve de leur bonté, aussitôt qu’à apprend qu’il les a examinés et approuvés, ce seul témoignage, parce qu’il lui vient d’un médecin, le rassure et lui suffit. De même aussi, puisque Moïse, pour arracher toute impudente curiosité de l’esprit des hommes, de ces hommes qui avaient à tirer profit de la création, déclare par ces paroles que Dieu a vu ses œuvres, qu’il les a louées, qu’il les a jugées bonnes, et non-seulement bonnes, mais très bonnes, ne te livre pas à une vaine recherche, ne scrute pas par des raisonnements sans fin la nature de toutes les choses créées, et sache te contenter du témoignage qui a attesté leur beauté. Car si ce jugement divin ne te suffit pas, si tu veux entrer dans l’examen de tout ce qui est, et te jeter dans l’océan du raisonnement, dans cette mer si fertile en tempêtes, tu n’en sauras pas plus et tu rencontreras facilement le naufrage. Tu ne pourras en effet trouver toutes les raisons de toutes les choses, et, si ton esprit s’égare, tu blâmeras souvent comme mauvais cela même qui aujourd’hui te semble bon. Il n’y a là rien d’étonnant ; le jugement de l’homme est si faible, qu’il va sans cesse d’un excès dans un autre, et il y a sur cette question de la création tant d’opinions diamétralement opposées ! Nous voyons les enfants des gentils admirer la nature à l’excès et dépasser tellement toute mesure, qu’ils vont jusqu’à l’appeler Dieu.
Les Manichéens, au contraire, et d’autres hérétiques disent qu’elle est l’œuvre d’un mauvais principe. Il en est d’autres qui, dans la nature, séparent une partie de toutes les autres, l’attribuent aux lois mécaniques de la matière,