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étaient trois. Ils vont donc trouver l’eunuque chargé de la table du roi, et le persuadent. Ils le trouvèrent, en effet, agité, inquiet, tremblant pour sa vie ; épouvanté de l’idée de mourir : Je crains, dit-il, le roi mon seigneur, car s’il voit vos visages plus maigres que ceux des autres jeunes hommes de votre âge, vous serez cause que le roi me fera trancher la tête. (Dan. 1,10) Ils le rassurèrent et en obtinrent ce qu’ils voulaient. Quand ils eurent donné au Seigneur tout ce qui dépendait d’eux, le Seigneur à son tour leur conféra ce qui dépend de lui. Car ce n’était pas en Dieu seul que résidait le mérite qui leur valut la récompense à eux réservée, le principe, le point de départ, ils le portaient dans leur âme généreuse ; une fois qu’ils l’eurent noblement, virilement montré, ils conquirent la faveur de Dieu, et ils parvinrent au terme de leur ardent désir.
16. Comprenez-vous combien il est vrai de dire, qu’à celui qui ne se nuit pas à lui-même, aucun autre ne peut nuire ? Voyez donc : jeunesse ; captivité, séjour dans une terre étrangère, abandon général, manque de tout secours, ordre rigoureux qui était imposé, crainte violente qui oppressait l’âme de l’eunuque, pauvreté, petit nombre, malheur de trouver au milieu des barbares, d’avoir ses ennemis pour maîtres, d’être à la merci d’un prince cruel, l’éloignement de tous les parents, de tous tes proches, absence des prêtres, des prophètes, de tous ceux qui pouvaient instruire et soutenu, cessation absolue des libations et des sacrifices, privation du temple et des chants sacrés, rien dé tout cela, rien ne porta atteinte à la vertu des trois jeunes gens. Au contraire, elle s’est agrandie, elle a mérité plus de gloire qu’aux jours où ils jouissaient de toits ces biens dans leur propre patrie. Après avoir achevé ce premier combat, ceint leur front d’une brillante couronne, conservé leur loi, même en pays étranger, foulé aux pieds même l’ordre d’un tyran, vaincu la terreur du démon, sans recevoir aucun dommage ; aussi purs que s’ils étaient restés dans leur patrie, en pleine jouissance des biens sacrés ; heureux de leur tâche accomplie sans crainte, ils furent de nouveau appelés à des luttes nouvelles, et, de nouveau, ils se montrèrent les mêmes. Un combat plus terrible que le premier leur était offert ; une fournaise était embrasée ; une armée barbare, son roi en tête, était rangée devant eux ; toute la puissance de la Perse était mise en mouvement ; tout s’agitait, tout était préparé pour triompher d’eux par la ruse et par la violence, par la diversité des séductions de la musique, par la variété des supplices, par les menaces, par les images terribles qui les entouraient de tous côtés, par les paroles plus terribles que ces images ; mais, comme ils ne se trahirent pas eux-mêmes, comme, au contraire, ils déployèrent toutes les ressources qui étaient en eux, rien, non, rien ne leur fit sentir l’atteinte du mal, et ils ajoutèrent, à leurs premières couronnes, d’autres couronnes plus éclatantes encore. Nabuchodonosor les chargea de fers et les jeta dans la fournaise, et il ne leur nuisit point ; il servit, au contraire, leurs intérêts, il travailla à rendre leur gloire plus brillante. Ces jeunes hommes n’avaient ni temple (je veux le répéter encore), ni autel, ni patrie, ni prêtres, ni prophètes ; ils étaient dans un pays étranger ; barbare, au milieu d’une fournaise, au milieu de toute cette armée, sous les yeux du roi qui commandait leur supplice, et ils dressèrent un trophée splendide, et ils remportèrent une insigne victoire, quand ils chantèrent tout à coup cet admirable cantique qui, depuis se chante de nos jours encore, sur toute la terre, et se chantera dans tous les siècles. Voilà donc la vérité ; que personne ne se fasse de mal à soi-même, et personne ne fera de mal à autrui. Voilà en effet le cantique, la parole que je ne cesserai pas de redire ; car, s’il est vrai que la captivité, la servitude ; l’abandon, la patrie et tous les parents perdus, la mort, les flammes dévorantes, une si grande armée, un tyran si cruel, ont été sans pouvoir contre ces trois jeunes hommes, ces captifs, ces esclaves, ces étrangers, qui se trouvaient au milieu d’étrangers ; s’il est vrai que rien n’a entamé leur vertu, que ces attaques cruelles n’ont abouti qu’à faire éclater la liberté de leur langage, quel mat atteindra l’homme chaste et tempérant ? Non, rien ne peut lui être nuisible, eût-il tout l’univers contre lui. Mais Dieu, me répond-on, les assista dans cette épreuve. C’est Dieu qui les arracha aux flammes, sans doute, assurément, et vous aussi, faites tout ce qui dépend de vous, et vous êtes sûrs que Dieu aussitôt vous accordera son secours.
17. Cependant si j’admire ces nobles jeunes gens ; si je célèbre leur bonheur ; si je proclame