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meure dans son intégrité. Ne nous lassons donc pas de puiser à cette source intarissable de richesses spirituelles ; venons encore aujourd’hui y remplir nos âmes ; contemplons la charité du Maître et la patience de l’esclave. Affligé depuis trente-huit ans d’une maladie incurable, tourmenté continuellement, il ne se plaignit pas, il ne fit pas entendre une parole répréhensible, il n’accusa pas Celui qui l’avait ainsi traité, mais il supporta ce malheur avec courage et patience. – Et comment le savez-vous ? me dira-t-on ; la sainte Écriture ne nous a rien appris de sa vie antérieure ; elle nous a dit seulement que sa maladie durait depuis trente-huit ans ; mais qu’il n’y ait eu chez lui ni plainte, ni emportement, ni colère, elle ne l’a pas ajouté. – C’est cependant ce qu’elle vous montrera avec évidence, si vous voulez lire avec une attention sérieuse et non superficielle et momentanée. En le voyant en présence du Christ qui vient le trouver, qui ne lui est pas connu, qu’il ne croit encore être qu’un homme, en le voyant, dis-je, si réservé dans son langage, n’en pouvez-vous pas conclure quelle a été sa conduite antérieure ? Car, à cette question : Voulez-vous être guéri ? il ne répond pas comme on aurait pu s’y attendre Vous me voyez gisant ici paralytique depuis tant d’années ; et vous Me demandez si je veux être guéri ? Vous êtes donc venu insulter à mes souffrances, vous en moquer et mire de mon malheur ? Il ne dit rien de semblable ; mais avec une parfaite tranquillité d’âme : Oui, Seigneur, répond-il. Mais si après trente-huit ans il était si calme, si paisible, alors – que toute force d’âme devait être brisée chez lui, figurez-vous quelle devait être sa patience au commencement de sa maladie. Car, tout le monde sait que les malades ne sont pas aussi moroses au début de leurs maladies que lorsqu’il y a déjà longtemps qu’ils souffrent : ils deviennent très-difficiles, lorsque leur maladie traîne en longueur ; ils deviennent parfois insupportables. Celui-ci donc qui après tant d’années se montre si calme et répond avec tant de patience, a dû évidemment supporter antérieurement avec reconnaissance ce mal qui lui était envoyé de Dieu.
Stimulés par cet exemple, imitons la patience de notre frère ; sa paralysie sera pour nos âmes un principe de force ; quel homme sera si indolent, si lâche, qu’à la vue de ce malheur, il ne se sente disposé à supporter avec courage même les choses les plus intolérables ? Ce n’est pas son état de santé, c’est sa maladie qui nous est d’une grande utilité ; car sa guérison a fait, il est vrai, louer le Seigneur par ceux qui l’ont entendu raconter ; mais sa maladie et son infirmité nous sont une leçon de patience, nous provoquent à l’imiter et nous fournissent une nouvelle preuve de la charité de Dieu pour nous. Lui avoir envoyé une maladie et si grave et si longue, c’est déjà une preuve d’amour. L’orfèvre jette l’or dans le creuset et l’y laisse éprouver par le feu, jusqu’à ce qu’il soit devenu plus pur : de même pour les âmes des hommes, Dieu les laisse éprouver par le malheur, jusqu’à ce qu’elles soient devenues pures et brillantes, jusqu’à ce qu’elles aient retiré de cet état de grands avantages : ainsi cette infirmité était un premier bienfait de Dieu.
2. Donc pas de trouble, pas de désespoir quand il nous arrive des épreuves. Si l’orfèvre sait après combien de temps il faut retirer du feu l’or qu’il y a mis et ne le laisse pas brûler et se consumer, Dieu le sait bien mieux encore, et quand il nous verra devenus plus purs, il saura bien faire disparaître les épreuves, de peur qu’accablés par des maux trop nombreux nous ne chancelions et ne tombions. Pas de découragement, pas de défaillance, si nous sommes surpris par quelque malheur ; mais laissons Dieu qui s’y entend, laissons-le, dis-je, purifier notre âme ; il n’agit que dans l’intérêt et pour le plus grand avantage de ceux qu’il éprouve. Aussi un auteur sage nous adresse-t-il cet avis : Mon fils, lorsque vous entrerez au service du Seigneur, préparez votre âme à l’épreuve ; que votre cœur soit plein de droiture et de force, et ne vous hâtez pas dans le temps de la tentation. (Ecc. 2, 1-2)
Laissez-le, nous veut-il dire, entièrement maître ; il sait bien le moment où il faudra nous retirer de ces maux qui sont comme la fournaise où nous sommes purifiés. Il faut le laisser faire partout, lui rendre grâces de tout, témoigner notre reconnaissance pour tout, soit qu’il nous comble de biens, soi-même qu’il nous frappe : car c’est là aussi un bienfait. Le médecin n’est pas médecin seulement quand il fait prendre des bains, ordonne une nourriture substantielle et veut que le malade se promène dans des jardins fleuris, mais aussi quand il brûle et qu’il coupe ; le père n’est pas