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temps, rien ne s’usait ; leurs pieds, qui marchaient tant, ne se chargeaient pas de callosités. Ni médecins chez eux, ni remèdes, ni rien de ce qui s’y rapporte, on n’en faisait jamais mention, tant ils ignoraient toute maladie. Car il les fit sortir, avec beaucoup d’or et d’argent ; et il n’y avait point de malades dans leurs tribus. (Psa. 104,37) On eût dit que, loin de ce monde, transportés dans un monde meilleur, ils y trouvaient leur nourriture, leur breuvage ; les rayons du soleil devenus plus ardents ne brûlaient pas leurs têtes, abritées par la nue qui les couvrait de toutes parts, comme un toit portatif à l’usage de toutes ces tribus. La nuit venait, avaient-ils besoin de flambeaux dans les ténèbres ? La colonne de feu, source intarissable de lumière, doublement utile, versait sur eux sa clarté, et dirigeait leur marche. Car ce n’était pas seulement un foyer de lumière, c’était encore, à travers le désert, le guide sûr, excellent de ce peuple immense. Et ils marchaient d’un pas ferme, non-seulement sur la terre, mais ils traversaient la mer comme le continent ; les limites de la nature n’arrêtèrent pas leur audace, quand ils foulèrent cette mer terrible, comme des voyageurs qui sentent sous eux un ferme et solide rocher ; au moment de leur passage, les flots, sous leurs pieds, ressemblaient à des champs, à des plaines ; mais, quand les ennemis y pénétrèrent, la mer alors fit ce qu’il en faut attendre ; où les Juifs avaient trouvé un chemin commode et sûr, leurs persécuteurs trouvèrent un tombeau ; pour lés premiers, douce et bonne, elle les conduisit où ils voulaient ; pour les autres, violente, furieuse, elle les engloutit. Et la fougue indisciplinée des flots montra la discipline intelligente et soumise des hommes doués de la raison la plus sage. Tour à tour libérateur et bourreau, en un même jour, la mer remplit soudain les fonctions les plus opposées. Parlerai-je des rochers versant des fleuves d’eau vive ? parlerai-je des nuées d’oiseaux qui couvrirent de leur foule innombrable toute la terre ? des miracles de l’Égypte ? des merveilles dans 1e désert ? des trophées et des victoires remportées sans effusion de sang ? On eût dit des chœurs de musique et non des bataillons de guerriers quand ils abattaient leurs ennemis ; leurs tyrans mêmes, ils les vainquirent sans prendre les armes. Quanta ceux qui, lots de l’Égypte, combattirent avec eux, les Juifs en triomphèrent au son des trompettes, au bruit des hymnes. C’était un chœur sacré plus qu’une mêlée ; une sainte initiation plus qu’une bataille, car tous ces prodiges n’arrivèrent pas seulement pour servir de secours aux Juifs, mais pour leur faire conserver la vraie doctrine, la connaissance de Dieu qu’ils avaient reçue de Moïse, et partout s’entendaient les voix qui publiaient le Seigneur. C’est là ce que criait la mer, soit qu’elle se laissât traverser à pied sec, soit qu’elle redevînt la mer ; et les eaux du Nil faisaient entendre cette voix, quand ses eaux devenaient du sang, et les grenouilles, et ces armées de sauterelles, et les insectes, et la nielle des blés tenaient le même langage à tout le peuple, et les prodiges du désert, la manne, la colonne, la nuée, la pluie de cailles, toutes les autres merveilles étaient comme un livre, comme des caractères à jamais indestructibles, qui ranimaient à chaque instant chaque jour leur mémoire et retentissaient dans leur pensée. Eh bien ! après tant et de si grandes faveurs ; après tant d’ineffables bienfaits, après de si grandes merveilles, après tant de marques d’une inexprimable sollicitude, après cet enseignement, jamais interrompu, après l’éclatante énergie des paroles, après les exhortations qui ressortaient des choses mêmes, après les victoires brillantes, après les admirables trophées, après cette abondance des tables toujours prêtes, après ces eaux fécondes, après cette gloire qui défie toute parole dont ils étaient revêtus à la face de tous les hommes, les voici devenus ingrats, stupides. Ils adoraient un veau, ils rendaient un culte à la tête d’un bœuf, ils demandaient qu’on leur fît des dieux, quand les souvenirs des bienfaits dont ils avaient été comblés en Égypte, par ce Dieu, devaient vivre, dans leur mémoire, quand ils jouissaient encore de tant d’autres effets de sa bonté.
14. Et voici maintenant, spectacle tout différent, les Ninivites, des barbares, des étrangers, qui n’ont rien reçu en partage, ni peu ni beaucoup de ces faveurs ; qui n’ont connu ni discours, ni prodiges, ni actions, ni paroles ; qui ont vu simplement un homme, échappé au naufrage, un homme qu’ils n’avaient jamais rencontré auparavant, c’était alors la première fois qu’ils le voyaient ; il se présente, il dit : Encore trois jours et Ninive sera détruite. (Jon. 3, 3) Ce peu de paroles les a transformés, corrigés ; renonçant à leur perversité