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trouvant de quoi rassasier sa cupidité, il ne tombât pas dans le gouffre épouvantable où néanmoins il est tombé.
12. Oui, voilà la vérité absolue ; à qui ne veut pas se nuire à lui-même, personne ne pourra nuire ; et à celui qui ne veut pas, de tout son cœur, pratiquer la tempérance, faire usage des ressources qu’il porte en lui, nul ne pourra jamais être utile. Voilà pourquoi l’Écriture, dans une admirable histoire, comme dans un vaste et magnifique tableau, a décrit les vies des anciens hommes, étendant son récit depuis Adam jusqu’à l’avènement du Christ. Elle vous fait voir aussi bien ceux qui turent vaincus, que ceux qui ont conquis des couronnes, pour vous montrer, par tous ces exemples, qu’à celui qui ne se nuit pas à lui-même, aucun autre ne peut nuire, quand la terre entière exciterait contre lui une guerre cruelle. Et en effet, ni la difficulté des circonstances, ni les révolutions, ni les injures des hommes puissants, ni les attaques perfides tombant sur vous comme la neige, ni la multitude des calamités, ni tous les malheurs humains attroupés contre vous ne peuvent ébranler en quoi que ce soit l’homme courageux, vigilant et sage, comme tous les avantages possibles et toutes les facilités imaginables, ne rendent point meilleur le lâche qui se trahit et s’abandonne lui-même. C’est ce que nous indique la parabole au sujet de ces hommes dont l’un a édifié sa maison sur la pierre, l’autre sur le sable. Il ne s’agit pas ici de sable, de pierre, de maçonnerie, de toits, ni de fleuves débordés, de vents furieux qui sont venus fondre sur la maison (Mat. 7,24) ; mais de la vertu et du vice. Et comprenons encore par ces exemples, qu’à celui qui ne se nuit pas à lui-même, nul ne peut nuire. Ainsi, ni les pluies malgré leur violence, ni les fleuves qui se sont précipités avec impétuosité, ni les vents furieux n’ont pu ébranler une seule partie de cette maison ; elle est demeurée inexpugnable, invincible pour vous montrer que, celui qui ne se trahit pas lui-même, aucune épreuve n’est capable de l’ébranler. L’autre maison, au contraire a été facilement renversée ; non pas par l’impétuosité des forces qui l’éprouvaient (évidemment ce qui est arrivé à l’une serait aussi arrivé à (autre), mais par la folie de celui qui l’a construite : ce n’est pas parce que le vent a soufflé qu’elle est tombée, mais c’est parce qu’elle était édifiée sur le sable, c’est-à-dire sur la lâcheté, sur la perversité. Voilà pourquoi elle s’est écroulée. En effet, même avant d’être assaillie par la tempête, elle était sans solidité, prête à tomber. Les constructions de ce genre, même sans qu’on y touche, tombent toutes seules, parce que les fondations fléchissent et se dérobent sous elles. Les toiles d’araignées d’elles-mêmes se déchirent, sans que personne y porte la main ; le diamant au contraire, quoique frappé à grands coups, même quand on le frappe, résiste sans se briser. Il en est ainsi de ceux qui ne se nuisent pas à eux-mêmes. Sous les coups de milliers d’ennemis, ils deviennent plus forts, mais ceux qui se trahissent eux-mêmes, sans aucun ennemi gui les attaque, tombent de leur propre mouvement et, se décomposent et périssent. C’est l’histoire de Judas, qui, non-seulement sans aucune épreuve qui le mit en périls mais encore, malgré tant de soins pour le sauver, a trouvé la mort.
13. Voulez-vous des nations entières, comme exemples, pour éclairer ce discours ? De quelles faveurs de la part de la divine Providence, n’a pas joui la nation des Juifs ? Toutes les créatures visibles n’étaient-elles pas assujetties à leur service ? Une vie nouvelle, étonnante, étrange ne fut-elle pas organisée pour eux ? Sans envoyer au marché, sans faire aucune dépense, ils jouissaient de ce qu’on y vend ; pas de sillons à creuser, de charrue à pousser, de sol à déchirer, de semences à répandre, et ils n’avaient besoin ni des pluies, ni des vents, ni de la diversité des saisons, ni des rayons du soleil, ni du cours de la lune, ni de l’action de l’air, ni de rien de tout ce qui y ressemble ; ils ne préparaient pas de greniers, ne battaient pas le blé, ne s’inquiétaient pas des vans qui séparent le grain de la paille, ne tournaient pas de meules, ne portaient ni bois, ni feu dans leurs maisons ; chez eux, nul besoin des bras qui font le pain ou manient le hoyau, qui aiguisent les faux ou pratiquent une industrie quelconque ; tisserands, maçons, cordonniers, à quoi bon ? Ils avaient, pour leur tenir lieu de tout, la parole de Dieu. Leur table était toujours prête, sans qu’il leur fallût supporter les sueurs et les fatigues. Voici,, en effet, ce qu’était la manne, un aliment nouveau, subit, n’exigeant ni soins embarrassants, ni jamais le moindre travail. Et maintenant, et leurs vêtements, et leurs chaussures, tout, chez eux, jusqu’à leurs corps, échappait aux lois naturelles de la faiblesse ; dans un si long espace de