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animaux ; leur fange est plus dégoûtante, leur bourbier plus infect. Tant qu’ils restent enfoncés dans ce vice, ils s’imaginent y trouver un vif plaisir ; ce qu’il ne faut pas attribuer à la réalité, mais à la disposition d’une âme malade : et par là les avares sont plus dégradés que les êtres sans raison. De même donc que dans le bourbier, dans le fumier l’infamie n’est pas le propre du bourbier ou du fumier, mais des animaux sans raison qui s’y ensevelissent ; de même, pour, l’homme, raisonnez par analogie.
7. Avons-nous un moyen de guérir ceux qui sont ainsi affectés ? S’ils voulaient nous ouvrir leurs oreilles, nous découvrir le fond de leur cœur, accueillir nos paroles ! Pour les êtres sans raison, nous ne pouvons pas les faire sortir de leur fange, du bourbier où ils se vautrent ; ils n’ont pas la raison en partagé. Mais cette créature douée de douceur, d’intelligence et de raison.; l’homme, c’est de l’homme que je parle, il n’a qu’à le vouloir ; c’est chose facile ; rien de plus aisé, que de le faire sortir du bourbier, de l’infection, de ce fumier, de cette boue. Car enfin, pourquoi la richesse, ô homme ! te semble-t-elle digne d’être recherchée avec tant d’ardeur ? à cause du plaisir, et c’est tout, que procure la table ? à cause de la considération ? du cortège que te font les gens qui t’honorent pour ta richesse ? à cause du pouvoir de te venger de ceux qui t’ont offensé ? Est-ce parce qu’elle te rend redoutable à tous ? Impossible, en effet, d’alléguer d’autre cause que le plaisir, ou la certitude de trouver des flatteries, ou la terreur qu’on inspire ou le pouvoir de se venger. En effet, ni la – sagesse, ni la tempérance, ni la modération, ni l’intelligence ne sont les fruits ordinaires de la richesse ; elle ne rend l’homme ni meilleur, ni plus humain, ni maître de sa colère, ni maître de son ventre, ni supérieur aux plaisirs ; elle n’enseigne pas la modération ; elle n’apprend pas l’humilité ; elle n’introduit ni n’implante dans l’âme aucune vertu. Impossible de dire que ce soit pour aucune de ces raisons que la richesse est recherchée avec tant d’ardeur, avec tant d’amour, non seulement elle ne sait, ni planter, ni cultiver aucun des biens de l’âme ; mais les germes cachés qu’elle y trouve, elle les corrompt, elle en prévient le développement, elle les flétrit, elle les dessèche : il en est qu’elle arrache pour introduire les semences contraires : un luxe immodéré, une fureur intempestive, une colère injuste, l’arrogance, l’orgueil, le délire. Mais je n’en dirai rien : Ceux que, possède cette maladie, ne soutiendraient pas un discours sur la vertu et sur le vice, livrés qu’ils sont tout entiers aux plaisirs, et, pour cette raison, esclaves des voluptés ; on aurait beau tout ensemble les accuser et les convaincre. Négligeons donc un moment ces réflexions. Arrivons à ce qui nous reste à dire, et voyons si la richesse a pour elle quelque plaisir, quelque considération qui lui soit propre ; c’est tout le contraire que je vois. Si vous voulez, examinons d’abord les tables des riches et celles des pauvres ; demandons-leur, au moment du repas, lesquels jouissent du plaisir le plus pur, goûtent le vrai plaisir. Ceux qui, jusqu’à la fin du jour, couchés dans la salle à manger, joignent les soupers aux dîners, crèvent leur ventre, dépravent leurs sens ; sous la charge excessive des mets, font sombrer le navire ; inondent la sentine ; produisent comme un naufrage du corps appesanti, envahi ; ceux qui en roulent sur leurs pieds, leurs mains, leur langue, tout leur corps ; les liens de l’ivresse et de la luxure, plus lourds qu’une chaîne de fer ; ceux qui renoncent au sommeil calme et pur ; qui ne peuvent plus s’affranchir de l’effroi des songes, ceux qui se rendent plus misérables que les fous furieux ; qui introduisent volontairement le démon dans leur âme ; qui s’exposent en spectacle à la risée de leurs serviteurs ; disons mieux, qui paraissent, aux meilleurs de ces serviteurs, un objet lugubre et digne de larmes ? Sont-ce là les plus heureux, ces stupides, incapables de reconnaître personne auprès d’eux, incapables de rien dire, de rien entendre ; qu’il faut porter, dans les bras, de la salle à manger sur leurs lits ? ou les hommes sobres et vigilants, qui mesurent leur nourriture à la nécessité, qui naviguent au souffle des vents prospères, pour qui le plus grand plaisir, c’est d’avoir faim quand ils mangent, d’avoir soif quand ils boivent ? En effet, rien n’importe plus, et aux plaisirs, et à la santé, que d’avoir faim, que d’avoir soif, lorsqu’on touche aux mets qui viennent d’être servis ; de se régler sur la nécessité pour se rassasier ; de ne pas, franchir les limites du nécessaire ; de ne pas charger le corps d’un fardeau que ses forces ne peuvent supporter.
8. Si vous refusez de m’en croire, étudiez