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celui-là les expatriés, les exilés, cet autre, ceux qui ont perdu la liberté ; un autre encore, ceux qui ont été enlevés par les ennemis et qui sont devenus captifs ; en voici un qui se lamente sur un noyé ou sur un brûlé, ou sur un tel enseveli sous les ruines de sa maison ; force gémissements sur tous ceux-là, mais sur ceux qui vivent dans l’iniquité, aucune lamentation ; et, ce qu’il y a de plus triste, loin de les plaindre, souvent on célèbre leur bonheur, et voilà justement la cause de tous les maux. Eh bien donc ! (mais, comme je vous y ai exhortés en commençant, écoutez sans interrompre), il faut vous démontrer que rien de ce que nous avons dit, n’est nuisible pour l’homme qui vit clans la tempérance, ni ne peut ruiner sa vertu. Dites, répondez-moi : un homme a tout perdu, victime, soit des calomniateurs, soit des brigands, soit de ses propres serviteurs, misérables qui l’ont entièrement dépouillé ; eh bien ! cette perte, quel dommage a-t-elle causé à sa vertu ?
Faisons mieux, si vous permettez ; commençons par définir la vertu de l’homme, après nous être exercés à définir la vertu d’autres êtres, afin de rendre plus, facile à comprendre et plus évident, ce que nous voulons expliquer.
3. Quelle est la vertu du cheval ? un frein d’or, un caparaçon d’or, des attaches de soie, des couvertures d’un tissu varié, parsemées d’or, un harnais constellé de pierreries, une crinière aux tresses entrelacées d’or ? ou la rapidité de la course, la fermeté des jarrets, l’allure élégante, le pied digne d’un coursier généreux, le courage dans les longues routes, le courage des combats ; l’énergie vaillante dans la bataille, qui, dans la fuite, sauve son cavalier ? N’est-il pas évident que la vertu du cheval éclate dans les derniers traits, non dans les autres ? Et maintenant, quelle est dans les ânes, dans les mulets, la vertu ? N’est-ce pas de porter commodément des fardeaux, de franchir facilement les distances, d’avoir le pied aussi solide que la pierre ? Dirons-nous que l’extérieur, que ce qui sert à leur équipement, contribue en quoi que ce soit à la vertu qui leur est propre ? Nullement. Quelle vigne admirerons-nous ? la vigne au feuillage épais, riche de pampres, ou la vigne chargée de fruits ? Quelle est la vertu de l’olivier ? d’avoir de grands rameaux, une abondante chevelure de feuillage, ou de montrer partout la richesse de son fruit ? Appliquons à l’homme cette manière de juger ; sachons discerner la vertu de l’homme, et n’appelons dommage que ce qui peut lui nuire. Quelle est donc la vertu de l’homme ? Ce n’est pas la richesse ! ni la santé du Corps, ni la réputation, ni simplement la vie, ni la liberté, en sorte que nous devions appréhender et fuir la pauvreté, la maladie, la mauvaise renommée, la mort ou la servitude ; c’est, l’application à la doctrine de la vérité, c’est dans la conduite, l’honnêteté. Or, voilà le bien que le démon même ne saurait ravir, si le possesseur est vigilant ; est c’est ce que sait bien ce perfide, ce farouche démon. Car, s’il a dépouillé Job, ce n’était pas, pour l’appauvrir, mais pour le forcer à proférer quelque blasphème ; et s’il lui a fait des blessures dans le corps, ce n’était pas pour le rendre malade ; mais pour ébranler la vertu de son âme. Eh bien ! il a eu beau faire jouer tous ses ressorts, le rendre pauvre, de riche qu’il était, (ce qui, de tous les malheurs nous paraît le plus épouvantable) ; faire, de ce père de nombreux enfants, un père qui n’a plus d’enfants ; il a eu beau lui déchirer tout le corps, avec plus de cruauté que des bourreaux de prêteur (car leurs ongles creusent moins profondément les flancs de leurs victimes, que les vers enfoncés dans la chair do Job pour la ronger ; il a tu beau l’envelopper de réprobation (car ses amis venaient lui dire, qu’il n’était pas encore flagellé en raison de ses fautes, et le chargeaient d’accusations) ; il a eu beau, non pas le chasser de sa cité, non pas le faire sortir de sa maison, pour le transporter dans une autre ville, mais lui donner pour maison et pour ville, un fumier, non-seulement il ne lui a fait aucun mal, mais par ses coups perfides il l’a rendu plus glorieux non seulement il ne lui a enlevé réellement aucun bien, quoiqu’il lui ait tant ravi, mais il a grossi son trésor de vertus. Car, après ces épreuves, Job sentait avec, bonheur en lui cet accroissement de confiance qu’il devait aux combats vaillamment soutenus. Si tant de souffrances ne lui ont causé aucun mal, quoiqu’elles lui vinssent, non d’un homme mais du monstre qui surpasse les plus méchants de tous les hommes par sa perversité, quoiqu’il eût contre lui le démon, quelle sera désormais l’excuse pour qui dira, un tel m’a fait du mal, un tel m’a causé un préjudice ? Car si le démon, ce monstre de perversité, après avoir fait jouer toutes ses machines, lancé tous ses