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DISCOURS : A QUI NE SE NUIT PAS A LUI-MÊME NUL NE PEUT NUIRE.

AVERTISSEMENT ET ANALYSE.


Ce magnifique discours, dont le titre seul est comme l’abrégé de la philosophie chrétienne, a été écrit à Cucuse, l’an 406. Nous voyons, par la quatrième lettre de saint Chrysostome, qu’il l’envoya à sainte Olympiade pour la consoler dans ses maux ; pour l’engager à se mettre au-dessus de tontes ses disgrâces.
L’orateur, dans un magnifique exorde, annonce qu’un préjugé presque universel pourra faire regarder sa proposition comme invraisemblable ; mais il demande qu’on l’écoute sans prévention, et il espère qu’alors on ne pourra disconvenir de la vérité de ce qu’il avance. Avant d’entrer en matière, il examine en quoi consiste le dommage, ce qui constitue le vrai mérite de l’homme, ce qui lui fait réellement tort. Il rapporte, pour rendre la chose plus claire, plusieurs exemples tirés des êtres animés, et inanimés ; et après avoir bien établi que ce ne sont ni les richesses, ni la santé, ni la réputation, ni la liberté, ni même la vie, qui constituent le vrai mérite de l’homme, il prouve victorieusement, par les exemples de Job, d’Abel, de Joseph, de Lazare, de saint Paul, que les persécutions et les maux, loin de leur faire aucun tort, ont fortifié leur vertu, relevé leur gloire, et que si Adam a succombé sous les attaques du démon, c’est à sa propre faiblesse, plutôt qu’à la malice de cet esprit impur, qu’il devait imputer sa défaite. Saint Jean Chrysostome interrompt son sujet par fine excursion éloquente sur les richesses. Il peint, des couleurs les plus vives, et perce des traits les plus forts, cerce cupidité fatale répandue sur toute la terre, et qui embrase tons les cœurs. Afin d’en éteindre les feux, s’il est possible, il démontre que les richesses ne sont à désirer ni pour les plaisirs de la table qu’elles procurent, ni pour les honneurs qui les accompagnent, ni pour la troupe d’adulateurs qu’elles attirent, ni pour la facilité qu’elles donnent de se venger de ses ennemis. Après cette excursion, il revient à son sujet, et le prouve par un grand nombre d’exemples, qu’il tire de l’Écriture sainte, et qu’il développe avec cette abondance qui lui était si naturelle, il prouve en même temps ces deux vérités : que les persécutions, quelles qu’elles soient, et les afflictions, ne font que fortifier et illustrer davantage les âmes fortes ; au lieu que les plus grandes faveurs et les plus signalés bienfaits ne servent de rien aux âmes faibles, ne les empêchent pas de succomber et de commettre une infinité de fautes. Ce discours est une des plus riches compositions de saint Jean Chrysostome : il y a sans doute un trop grand luxe de style ; mais qu’il est étonnant que, déjà avancé en âge, accablé de maux et d’infirmités, relégué dans un pays inculte et désert, attaqué part des ennemis qui le persécutaient jusque dans son exil, ce grand orateur ait pu encore déployer tonte la vigueur et tontes les richesses d’une élocution également forte et brillante !

1. Je sais bien que les esprits épais, attachés au présent, cloués à la terre, esclaves des plaisirs sensibles, indifférents aux choses de la pensée, vont trouver ce discours étrange, incroyable ; ils ne se feront pas faute d’en rire, et ils prononceront contre nous, que l’invraisemblance se montre dès les premiers mots de notre proposition. Ce n’est pas une raison pour nous d’y renoncer ; au contraire, pour cette raison même, nous ferons les plus grands efforts afin de la démontrer, ce que nous entreprenons avec une vive ardeur. Que ceux qui ne pensent pas comme nous, veuillent bien, sans trouble, sans tumulte, attendre jusqu’à la fin de ce discours ; je suis persuadé qu’ils se rangeront de notre côté, que c’est contre eux-mêmes qu’ils prononceront ; qu’ils reconnaîtront avoir été dans l’erreur ; qu’on les entendra chanter la palinodie, s’excuser, demander pardon pour leurs faux jugements, nous témoigner toute leur reconnaissance, comme font les malades aux médecins qui les ont guéris des maux qui assiégeaient leur corps. Ne m’opposez pas la pensée qui maintenant vous possède ; attendez jusqu’à la fin des combats que vont livrer nos paroles, et c’est alors qu’il vous sera possible de porter un juste jugement, sans que l’ignorance vous empêche de discerner